Ceci lui aurait-il plu, vous croyez ?

Déserteuses

Un temple ambré, le ciel bleu, des cariatides.
Des bois mystérieux; un peu plus loin, la mer...
Une cariatide eut un regard amer
Et dit : C'est ennuyeux de vivre en ces temps vides.

La seconde tourna ses grands yeux froids, avides,
Vers Lui, le bien-aimé, l'homme vivant et fier
Qui, venu de Paris, peignait d'un pinceau clair
Ces pierres, et ce ciel, et ces lointains limpides.

Puis la troisième et la quatrième : " Comment
Retirer nos cheveux de cet entablement ?
Allons ! nous avons trop longtemps gardé nos poses ! "

Et toutes, par les prés et les sentiers fleuris,
Elles coururent vers des amants, vers Paris ;
Et le temple croula parmi les lauriers roses.

Je trouve que ce poème correspond assez bien à la description qu'en fait J. Sternberg dans le DDIR (297):

« Poète funambule toujours sur la corde raide entre la fantaisie et l'angoisse, la légèreté et le tragique, il demeura évidemment incompris parce que inclassable. »

« ... dès 1923, les surréalistes virent en lui l'un de leurs précuseurs. Érudit jusqu'au bout des ongles - il avait même appris le sanscrit et l'hébreu -, sa culture ne lui fut d'aucun secours dans la vie quotidienne. ... Inventeur bricoleur, il découvrit le phonographe avant Édison qui gagna la célébrité à sa place, et son invention de la photographie en couleurs se fit également dans l'ombre... »

De la sympathie, voire même de la tendresse dans cette notice. Charles Cros dut attendre 1947 pour qu'une académie portât son nom sans que vraiment il en devienne plus célèbre pour la cause !

D'autres poèmes de Charles Cros.

 


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