Les notions philosophiques & scientifiques voisinent souvent, comme par exemple dans cet ouvrage où une citation d'A. Einstein est éclairée en une (petite) page:

 

Des bribes s'y glanent: « Einstein s'est opposé à la mécanique quantique jusqu'à sa mort [1955]. Il y a chez lui un fond de spinozisme: pour lui, la nature est ce qui doit nécessairement exister. Or la physique quantique n'est que probabilités. Pour Einstein, ce n'est pas une description adéquate du réel. » L'opposition Einstein/Bohr laisse définitivement un goût de trop peu... Voici peut-être de quoi combler ce manque car les hasards d'intérêts personnels m'ont fait rencontrer les écrits de quatre auteurs différents. Trois d'entre eux pousseront le bouchon plus loin...


L'écriture experte en vulgarisation scientifique

L'ordre de lecture a été déterminé en fonction de ce que F. Richaudeau et son équipe ont mis en place en lecture experte. Bien sûr, en amont, une lecture experte s'exerce d'autant mieux que l'écriture elle-même fait montre d'une expertise vulgarisatrice de la part d'expert·e·s dans leurs domaines.

Les quatre introductions lues d'affilée permettent déjà de se faire une bonne idée du style d'écriture:

  • la syntaxe est légère; peu de sous-phrases, d'incises, de parenthèses, d'apartés;
  • l'annonce de la structure de l'ouvrage, des sujets abordés;
  • comment la matière va se déployer;
  • le sens de la formule mémorable;
  • etc.

1 Carlo Rovelli, L'ordre du temps

 La table des matières complétée (la titraison interne à chaque chapitre n'est pas reprise dans l'ouvrage aux pages 279-280) donne un très bon aperçu du contenu. L'art de la titraille est partie prenante dans une vulgarisation réussie:


Carlo Rovelli a la génie vulgarisateur: cet ouvrage est une adresse sûre, un guichet nous ouvrant une large fenêtre de compréhension sans formules. Une seule figure dans l'ouvrage, p. 39, & il s'en explique longuement. Il s'agit de celle du deuxième principe de la thermodynamique.  La traductrice de l'italien, assure à la langue d'arrivée une fluidité maximale au service d'une écriture qui prend toujours le temps de s'assurer de notre compréhension de ces sujets potentiellement arides en recourant à de très nombreuses caractéristiques qui complètent la première liste de critères figurant dans la paragraphe consacré à l'écriture experte en vulgarisation scientifique:

  • les schémas en couleurs (réalisés par les studios Peyo !);
  • les métaphores marquantes,
    • « Notre "présent" ne s'étend pas à tout l'univers. Il forme comme une bulle autour de nous. Quelle est l'étendue de cette bulle ? Cela dépend de la précision avec laquelle nous déterminons le temps. Si... ..., si ... » 58
  • les comparaisons qui enfoncent le clou; ces deux-ci ont tout pour plaire sur Nulle Part (voir par ailleurs le recueil L'Inde au coeur). Elles se trouvent en entame du livre (2e §) et dans le dernier chapitre:
    • « La mythologie hindoue représente le fleuve cosmique par l'image divine d'un Shiva dansant: sa danse règle la marche de l'univers: elle est l'écoulement du temps. » 11
    • « Dans le troisième livre de la grande épopée indienne, Le Mahabharata, un Yahka, un puissant esprit, demande à Yudhishira, le plus vieux et le plus sage des Pandava, quel est le plus grand mystère. .. » 233
  • les reprises résumantes,
    • « Suis-je certain qu'il s'agisse de la description correcte du monde ? Non, mais c'est l'unique façon cohérente & complète que je connaisse aujourd'hui pour penser l'espace-temps sans en négliger les propriétés quantiques. » 150, fin de deuxième partie.
  • l'annonce du contenu de l'ouvrage
    • en fin d'introduction:
      • « Ce livre est divisé en trois parties inégales. Dans la première, je résume... La deuxième partie décrit ce qui reste à la fin de l'opération. ... La troisième partie du livre est la plus difficile, mais aussi la plus vivante & la plus proche de nous. ...» Carlo Rovelli, L'ordre du temps, 13-14
    • la pratique de la concision;
    • & en fin de chapitre ou de partie pour annoncer le suivant,
      • « Je récapitule ce long plongeon qu'est cette première partie du livre. Le temps n'est pas unique: il y a une durée différente pour chaque trajectoire; ... » 104
  • la titraille colorée comme ici:

Ces procédés & d'autres sont mis au service de notre meilleure compréhension intuitive des sujets abordés.

De l'histoire des sciences, avec laquelle C. Rovelli jongle, il extrait les avancées marquantes & nous démontre comment, étape par étape, tout cela s'emboite & se corrige à travers les siècles.


Quant au fond,

l'ouvrage de Carlo Rovelli est de ceux qui ébranlent tellement d'incertitudes approximatives que cela en deviendrait gênant si se culpabiliser avait cours sur Nulle Part !

Les deux derniers chapitres sont de véritables poèmes en prose: ils s'intitulent Le parfum de la madeleine & Les sources du temps. C'est par eux que ma deuxième lecture a commencé. Ils sont les plus aptes à offrir un plan large susceptible de faciliter l'ancrage de notions neuves.

Ma première lecture de l'ouvrage a suivi strictement l'ordre de présentation de son auteur. Les balises textuelles nombreuses semées tout au long de l'ouvrage en facilitent remarquablement la lecture. De plus, s'être fait la réflexion que la matière d'un ouvrage sur L'ordre du temps était ordonnée rationnellement tient du probable truisme. La nécessité de comprendre est presque entièrement assouvie par l'ouvrage lui-même.

L'ordre du temps nous conte la quête d'une vie d'humain consacrée à la physique théorique. Parfois, il convient de savoir prendre le temps de ne rien faire pour se laisser investir

  • par le plus énorme que soi,
  • par ce qui nous dépasse immensément.

Un renversement

Avoir appris à reconnaître ces instants, non comme des déshérences, mais comme des lieux en lesquels des évènements cosmiques conjecturés s'approfondissent en un cheminement de compréhensions partielles. Cet ouvrage fonde un renversement de perspective dans la manière d'envisager la description du monde:

« Nous avons le choix entre [deux stratégies:]

  • forcer la description du monde pour qu'elle s'adapte à nos intuitions,
  • ou
  • apprendre à adapter nos intuitions à ce que nous avons découvert du monde.

J'ai peu de doutes, nous confie C. Rovelli, sur le fait que la seconde stratégie soit le plus fertile. » note 37, p. 250

C'est procéder à une conversion du regard que cela; c'est procéder à un renversement des perspectives intimes. Ce processus consiste à faire évoluer nos intuitions au contact de ce que la plus théorique des sciences dures nous fait découvrir sur le fonctionnement du monde. Nous avons déjà rencontré chez des philosophes de ces instants fondateurs où la perspective sur le réel s'inverse:

  • chez Bento Spinoza, entre autres dans ces deux propositions:
    • Éthique IV, prop. 67: L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, mais sa sagesse est une méditation  non de la mort mais de la vie. (Voir: Une mise à mort de nos servitudes selon Spinoza)

    • Éthique V, prop. 42: La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même; et nous n'en jouissons pas parce que nous maitrisons nos passions, mais c'est au contraire parce que nous jouissons d'elle que nous sommes en mesure de les maitriser. (voir Éthique V, une lecture cursive). La traduction préférée est celle proposée par J. F. Billeter.

  • Chez Robert Misrahi: l'auteur y consacre de longs développements de plusieurs ouvrages; cela tient une place de choix dans sa philosophie. Un essai y est consacré sur NP; il s'intitule: Deux libertés, trois renversements & une conversion chez Robert Misrahi.

  • Une approche basée sur la dernière proposition de l'Éthique (V, 42, voir ci-dessus) adosse une série d'Esquisses, oeuvre de J. F. Billeter; j'extrais ceci:

La liberté est le contraire de l'impuissance.


Béatitude

Une dernière fois, l'Éthique de Spinoza apparaît dans la 45e esquisse, intitulée Nos besoins: l'auteur y fait brillamment progresser la connaissance de la toute dernière proposition de Spinoza dans la 5e partie de son oeuvre majeure, il y énonce en effet une loi que J. F. Billeter traduit ainsi: « La Béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même; et nous n'en jouissons pas parce que nous maitrisons nos passions, mais c'est au contraire parce que nous jouissons d'elle que nous sommes en mesure de les maitriser. »

C'est parce que nous jouissons de cette vertu qu'est la béatitude que nous sommes en mesure de maitriser nos passions.

E. Delassus nous explique utilement ce que Spinoza entendait probablement par béatitude: « Accéder à la béatitude consiste à vivre aussi humainement qu'il est possible, c'est-à-dire en n'étant plus déterminé par des causes externes, mais en étant cause adéquate de ses actes par une plus grande connaissance de notre union... à la nature tout entière. » 161
Le désir de béatitude n'est pas ... dépassement mystique; il consiste dans le désir de vivre le plus humainement possible, c'est-à-dire de vivre librement et de ne plus être dans la servitude. 160  C'est à dire ne plus se sentir impuissant, selon J F Billeter.


  • & enfin, chez A. Berque, la mésologie donne lieu à un mouvement de renversement aussi; voici ce qui en est dit dans l'oeuvre berquienne. J'en ai extrait des passages pour constituer une terminologie avec hyperliens (= dynamique !):
TÉTRALEMME    PT 157
 En logique  En français  Ordre pour l'auteur japonais
Yamauchi
 A  AFFIRMATION, principe d’identité: le modèle est toujours identique à soi-même.  1er lemme
 NON-A  NÉGATION, principe de contradiction: la copie n’est pas le modèle  2e lemme
 NI A, NI NON-A  BI-NÉGATION, NÉGATION ABSOLUE, principe du tiers exclu: la chôra n’est ni le modèle ni sa copie.  3e lemme
 À LA FOIS A & NON-A  BI-AFFIRMATION, principe du tiers inclus, participant de l’être sans toutefois être vraiment. Ce tiers inclus fait par ailleurs l'objet d'un site Internet développé par Monsieur C. Plouviet.
 4e lemme
 TÉTRALEMME  Yamauchi INVERSE L’ORDRE DE Nagarjuna qui est le fondateur du bouddhisme du grand véhicule, une religion donc. L'ordre adopté par Nagarjuna est « un bouclage indéfiniment répété sans aucun développement de la pensée. Pour lui, c'est la bi-négation qui est décisive. Yamauchi la met en 3e lemme et donc ouvre. »  PT 157
 TÉTRALEMME  Pour la mésologie, le tétralemme permet de comprendre la pleine réalité profane, c’est-à-dire tout simplement celle où nous existons, notre milieu.  
 TÉTRALEMME  ON PASSE du 3e lemme au 4e lemme par la LEMMIQUE DU C'EST-À-DIRE « dans une immédiateté à la fois temporelle & spatiale qui relève de l'intuition, non de la dialectique."  PT 159
 TÉTRALEMME  Entre deux termes, A & B / c'est-à-dire exprime un rapport dans lequel A est/n'est pas B. C'est bien le 4e lemme, le syllemme où l'on prend à la fois A & NON-A.  PT 159
 TIERS EXCLU, (principe du)  L'impossibilité d'être à la fois A et non-A, 3e ligne du tétralemme, voir ce mot.  PT 148 & Chôra, 2016 sur hors-sol.net, 3e partie note 5.
 TIERS INCLUS, (principe du)  Ce principe correspond à la 4e ligne du tétralemme, voir ce mot.  Chôra, 2016 sur hors-sol.net, 3e partie note 5.
 
Ces quatre philosophes invitent à procéder une modification du regard, de perspective. C'est à une démarche complexe comparable que nous invite Carlo Rovelli dans l'ordre du temps. C'est ce qui me suggère d'inclure C. Rovelli aussi parmi les philosophes, au voisinage de sa spécialité en physique théorique. & ce, d'autant plus, qu'un article récent qu'il a coécrit avec deux collègues mentionne trois institutions dans lesquelles Carlo Rovelli intervient. Une des trois est un institut de philosophie:
  1. Aix-Marseille Université, Université de Toulon, CNRS, CPT, 13288 Marseille, France
  2. Perimeter Institute, 31 Caroline Street North, Waterloo Ontario N2L2Y5, Canada and
  3. The Rotman Institute of Philosophy, 1151 Richmond St. N, London Ontario N6A5B7, Canada (Dated: October 13, 2020)

Renversement / conversion / retournement donc.

Le défi posé par le renversement des perspectives dans la façon de comprendre le fonctionnement du monde tient au fait de s'approprier ces notions, de les faire siennes, de ne pas accepter de lâcher le morceau.


Cet ouvrage a de l'allant, il opère des brèches dans tant de certitudes innocemment ancrées à mauvais escient. Le regard de béotien posé sur ce conte qui ordonne le temps sur d'autres intuitions très novatrices va exiger un malaxage long, de fréquentes (re)mises en bouche pour une s'intègre une mise en perspective conceptuelle de ce que l'on pourrait se risquer à baptiser une poétique du cosmos, à l'instar du titre d'un ouvrage fondateur d'A. Berque, intitulé Poétique de la terre.

Carlo Rovelli nous propose de déloger plusieurs "intuitions" en nous démontrant pourquoi il est désormais possible d'avoir une meilleure compréhension du fonctionnement

  • relationnel,
  • évènementiel

des choses (fonctionnement des choses: une des traductions du tao, selon J. F. Billeter).

« Nous sommes

  • des processus
  • des évènements
    • composés
    • & limités
      • dans l'espace
      • & dans le temps. » 201

 Le temps suscite de l'inquiétude en nous. C'est pour contrer notre inquiétude que nous avons développé deux attitudes émotionnelles opposés:

  • imaginer l'éternité comme un « monde étrange hors du temps que nous voudrions peuplé de dieux, d'un dieu ou d'âmes immortelles. » 227
  • adorer le temps comme Héraclite ou Bergson.

Ces deux attitudes émotionnelles opposées ne nous permettent pas de nous approcher de la compréhension du temps.


Une deuxième lecture est en cours, carnet jamais loin. Les notes s'assembleront ici à l'amble à mesure que les gestes de compréhension affinée par cette écriture autorisée s'accumuleront en un trésor immersif.

Voici donc... des notes situées dans la table des matières car elles sont extrêmement décousues...

Le plus grand mystère est peut-être

« La mythologie hindoue représente le fleuve cosmique par l'image divine d'un Shiva dansant; sa danse

  • règle la marche de l'univers;
  • est l'écoulement du temps. »

Apparemment il coule, le temps. Mais la réalité n'est pas aussi simple. La nature du temps reste un mystère.

Dans les pages de ce livre, Carlo Roveilli, chercheur en physique théorique, RACONTE ce que nous savons du temps en trois parties inégales.

Voyage aller

Cette partie résume ce que la physique moderne a compris du temps. Elle s'attache à montrer le vrai visage des caractéristiques du temps qui consiste en une collection complexe de structures, de couches. La notion de temps est devenue stratifiée.

La première partie raconte l'effritement progressif de cette notion: le temps a perdu ces couches les unes après les autres.

La deuxième partie décrit

  • ce qui reste à la fin de l'opération d'effritement progressif
  • un paysage vide & venteux, d'une très grande beauté, qui semble avoir perdu toute trace de temporalité.

La gravité quantique vise à comprendre & à donner un sens cohérent à ce paysage d'une extrême beauté: le monde sans temps.

Voyage retour

La troisième partie est la plus difficile, la plus vivante, la plus proche de nous. Le voyage retour poursuit la grammaire élémentaire du monde & retrouve un à un les éléments qui composent notre temps familier.

Ces éléments

  • ne sont pas des structures élémentaires de la réalité
  • mais sont
    • des approximations utiles aux créatures gauches é empotées que nous sommes, nous mortel·le·s
    • des aspects de notre perspective
    • & peut-être aussi des aspects déterminants de ce que nous sommes.

Le plus grand mystère a peut-être à voir

  • avec ce que nous sommes
  • plutôt qu'avec le cosmos.

11 « La mythologie hindoue représente le fleuve cosmique par l'image divine d'un Shiva dansant: sa danse règle la marche de l'univers, sa danse est l'écoulement du temps.  »


1e partie L'effritement du temps

1 La perte de l'unicité
Le ralentissement du temps

Le temps s'écoule plus

  • vite à la montagne,
  • lentement en plaine.

Albert Einstein (1879-1955) a compris cela un siècle avant que les horloges pour mesurer ce ralentissement existent. Il a compris que l'écoulement du temps n'est pas uniforme.

Chaque corps ralentit le temps autour de lui.

La Terre ralentit le temps dans son voisinage davantage en plaine qu'à la montagne parce que les sommets sont un peu plus loin de la Terre.

Les choses tombent (=la gravité) à cause de ce ralentissement du temps. Les choses se meuvent naturellement en direction de l'endroit où le temps passe plus lentement.

Le ralentissement du temps

  • fait tomber les choses,
  • garde nos pieds collés au sol. Le temps s'écoule (déjà) plus lentement pour nos pieds que pour notre tête.

Dix mille Shiva dansants

L'origine du titre de l'ouvrage: 25 « Les choses se transforment l'une dans l'autre selon la nécessité et se rendent justice selon l'ordre du temps. » Cette citation est le seul fragment qui nous est parvenu de l'oeuvre d'Anaximandre (-610 /-546).

29 « Où que nous allions, le temps a un rythme, un allure distincte. C'est selon des rythmes différents que dansent entrelacées les choses du monde. & si le temps est régi par un Shiva dansant, il doit y avoir dix mille Shiva dansants dans la grande danse commune, comme une toile de Matisse... »


3e partie: les sources du temps

ch 9 Le temps est ignorance

Temps thermique

L'énergie totale qui existe dans un système (isolé) ne varie. Énergie & temps sont des grandeurs conjuguées. Il y a un lien étroit entre énergie & temps.

Existe-t-il d'autres grandeurs conjuguées, liées l'une à l'autre ?

D'une part,
Connaitre comment l'énergie d'un système évolue, c'est connaitre comment elle est liée aux autres variables.

D'autre part,
« L'énergie se conserve dans le temps, elle ne peut donc varier, même lorsque tout le reste varie. » 158

L'explication construite d'après le shivaïsme tantrique du Cachemire ne semble pas être contredite par C. Rovelli.: elle pose que l'énergie d'un corps est restituée à l'énergie universelle lorsque ce corps meurt, càd que sa variable "vie" (quantité floue s'il en est) restitue son énergie au flux universel de variables propre au système solaire, lui aussi isolé au sein de notre galaxie, la voie lactée.


Temps quantique

163 « L'imprévisibilité dans le monde persisterait même si nous pouvions mesurer maintenant tout ce qui est mesurable. » J'en déduis que les scientifiques ne parviennent pas à mesurer tout ce qui est (en théorie ?) mesurable, à la fois parce que la liste des variables n'est pas close et dès lors la manière de les mesurer toutes n'a forcément pas encore pu être inventée. Dans le même ordre d'idées, une fois repérées ces variables, découvrir comment elles sont reliées les unes aux autres, comment elles interagissent n'est pas une mince affaire non plus !

Le flou a deux sources:

  1. « les systèmes physiques sont composés de zillions de molécules
  2. & l'indétermination quantique.

Ces deux sources sont « au coeur du temps ». « La temporalité est profondément liée au flou. Le flou est le fait que nous soyons ignorants des détails microscopiques du monde.

« Le temps est ignorance. »

L'incertain n'est pas l'imprévisible. La certitude tient d'une résultat fort improbable: il faudrait en effet qu'elle atteigne les 100%.

Le prévisible résulte, lui, d'un calcul, d'une mise en équité.

Le quantum, les quanta, est la quantité indivisible d'une grandeur physique correspondant à la variation d'un nombre quantique. Les façons qu'a Carl Rovelli de nous rendre plus intelligibles des phénomènes complexes tiennent à son choix judicieux d'exemples tirés de la vie quotidienne. C'est un très grand livre que L'ordre du temps.


ch 11 Ce qui émerge d'une particularité

Traces & causes

191 « Des évènements les plus infimes aux plus complexes, c'est cette danse de l'entropie croissante, nourrie par la basse entropie initiale du cosmos, qui est la vraie danse de Shiva, le destructeur. »


ch 12 Le parfum de la madeleine

« Nous sommes composés des processus & des évènements limités dans l'espace & dans le temps. » 201


ch 13 Les sources du temps

Suivre pas à pas ce chapitre balise à merveille les ancrages sémantiques essentiels acquis en cours de lecture.

Cet ouvrage consacré à l'ordre du temps contre la quête d'une vie d'humain consacrée à la physique théorique. Parfois, il sied de prendre le temps de ne rien faire pour se laisser investir par

  1. le plus énorme que soi,
  2. càd ce qui nous dépasse immensément.

Avoir appris à reconnaitre ces instants non comme des désherences mais comme des lieux en lesquels des évènements cosmiques conjecturés s'approfondissent en un cheminement de compréhensions trrès partielles.

Cet ouvrage fonde un renversement de perspective dans la manière d'envisager la description du monde: Note 37, fin:

« Nous avons le choix entre

  •  forcer la description du monde pour qu'elle s'adapte à nos intuitions,
  • ou apprendre à adapter nos intuitions à ce que nous avons découvert du monde.

J'ai peu de doute sur le fait que la seconde stratégie soit la plus fertile. » 250

C'est conversion du regard que cela: faire évoluer nos intuitions au contact de ce que la plus théorique des sciences dures nous fait découvrir sur le fonctionnement du monde. Nous avons déjà rencontré de ces instants fondateurs au cours desquels la perspective sur le réel s'inverse.

Chaque instant conversif est proprement renversant & libère l'énergie incluse dans la réflexion tandis qu'elle se réordonne sous nos yeux. L'ordre du temps est un ouvrage de portée philosophique qui s'adosse tout autant sur des avancées majeures promues par des théoriciens de la physique concernant une manière plus réaliste de décrire le monde.

Poser un regard de béotien sur ce conte qui ordonne le temps sur des intuitions très novatrices va exiger un malaxage long, de fréquentes remises "en bouche" de ces intuitions novatrices pour que s'intègre une mise en perspective conceptuelle de cette poétique du cosmos.

Carlo Rovelli nous propose dans son ouvrage de déloger plus "intuitions" solidement ancrées en nous démontrant pourquoi elles sont contre-intuitives au vu de nos meilleures connaissances. Nous appréhendons ainsi mieux le fonctionnement des choses, une des traductions du tao selon J F Billeter. Il semble important de s'approprier ces notions, de les faire siennes, de ne pas lâcher le morceau.

L'entrecroisement des trois mystères que sont

  • le temps,
  • notre identité personnelle
  • & la conscience

nous demande d'abandonner l'idée ingénue que nous avons de la structure temporelle du monde. 227

Le temps suscite de l'inquiétude en nous. C'est pour contrer notre inquiétude que nous avons développé deux attitudes émotionnelles opposées:

  1. imaginer l'éternité comme « un monde étrange hors du temps que nous voudrions peuplé de dieux, d'un dieu ou d'âmes immortelles » 227
  2. adorer le temps comme Héraclite (-541/-480) ou Bergson (1859-1941).

Elles ne permettent pourtant pas de nous approcher de la compréhension du temps.

 

 

 
 

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