Les fées n’habitent plus les cieux devenus trop dangereux : les voies stellaires sont engorgées de papillons électroniques aux ailes photovoltaïques. Alors les fées ont pris la fuite. La légende dit qu’elles sont tombées du ciel sur le béton armé d’une zone urbaine; elles étaient toutes en grappe agglutinées au chevet d’une lampe. Elles tremblaient. Un homme les a recueillies et installées confortablement dans un bocal (c’est tout ce qu’il avait sous la main). Il l’a décoré de quelques plumes de couleur et d’un peu d’ouate et a trouvé cela bien. Puis, d’un geste presque altruiste, il les a séparées pour offrir à chacune sa propre maisonnée au décor unique. Ses amis, voyant ces bocaux enchantés ont été séduits. Il s’est dit: « Je vais en faire un élevage et devenir marchand de fées ! » Le succès ne s’est pas fait attendre. Tous les médias en ont parlé et notre marchand, un rien vénal, a ainsi prouvé que les fées avaient réalisé ses rêves.

Mais les fées ont perdu leur aura. Elles ne font plus pétiller les yeux ni virevolter les cœurs. Elles n’ont plus rien de magique dans leur décor de pacotille. Installées en poupées-Barbie, elles s’ennuient. Elles n’enchantent plus que des rêves éventés et fades. Alors elles se racontent des chimères pour oublier leur condition et c’est avec ce goût amer qu’elles s’éveillent : les fées sont éternelles.

Dans leur bocal dérisoire, elles ne seront bientôt plus admirées : la mode est ainsi perverse. La magie va s’évaporer et ces mignonnes aux ailes brisées laisseront couler leurs larmes pailletées que personne ne pourra assécher. Alors ces fées captives, d’un coup de baguette seront évincées, grâce à l’enchantement des lois du marché.


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