Il est, dans la maison qu’on va bientôt quitter, une chambre interdite, une chambre maudite. Ce n’est pas celle de la Barbe-bleue.

C’est une chambre dont je connais les moindres recoins, il m’est arrivé de m’y faire conter fleurette, quand c’était la chambre du fils. Je sais le lit contre le mur, le bureau d’étudiant, la fenêtre mansardée. J’en connais la lumière, et les collines qu’on y voit dans le lointain.

La chambre est au dernier étage de la maison, sous le toit. Je n’ai plus jamais grimpé les marches qui y menaient. Dans cette chambre, par un beau soir d’été, une jeune fille a choisi de mourir, et d’éclabousser les murs de son sang. Elle a tiré à bout portant. Je n’ai pas vu la scène du crime. Ils ont effacé les traces, jeté les linges souillés, ouvert la fenêtre, récuré le plancher, lavé les murs…

Dans la maison qu’on doit bientôt quitter, à cause de cette chambre silencieuse, on parle à voix basse, on ressasse des questions sans réponse, on détourne les yeux. La chambre a posé le poids de son ombre sur la maison tout entière. Elle la paralyse, la tétanise, l’enlise. On a beau garder la porte fermée, un air vicié s’en échappe qui glace l’atmosphère.

Dans la maison qu’on va bientôt quitter, il y a une chambre hantée.


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