Saluons joyeusement, d’une allusion un peu longue, la parution d’un nouveau recueil du poète François Jacqmin (1929-1992). Joliment intitulé Le plumier de vent, il rassemble trois contributions faites à une revue liégeoise confidentielle (et pataphysique): Aa revue.
Ronéotypée en quelques exemplaires par René Tialans, par ailleurs bibliothécaire-archiviste à la Fondation A. Renard, elle recelait donc:

Gérald Purnelle nous avertit, d’une précaution toute universitaire, sur la naissance de la forme de ces poèmes en prose qui sont une disposition voulue de la ligne, propre à « la justification étroite d'une dactylographie de prose » à la machine à écrire.

Celle-ci trônait au pigeonnier dans le fond du jardin proche d’un lieu de culte, au cœur du Bâti, à Plainevaux.

Le premier mot est le patronyme d’un philosophe célèbre: Nietzsche. Il est un marchepied offert par le poète.

« Nietzsche suggère de n’accepter
aucune pensée qui ne naît de la
fête du muscle. »

Cette suggestion embarque aussitôt le lecteur dans la marque d'une des sources possibles du poète: la marche.

« D’ordinaire la vapeur verbale
qui deviendra un poème se forme
en moi au cours de la marche. »

En neuf lignes, nous entrons dans l’univers Jacqminien comme jamais. Ils y ajoutent ce Je, assez rare par ailleurs, qui pose jugement de valeur personnel sur

« toute production issue
de la quiétude domestique. »

Chacun son chemin d’écriture. Celui-ci était connu grâce à ces deux entretiens rares entre P. Goffaux et F. Jacqmin publiés par les éditions Tandem en 2006:

« La promenade est une chose indispensable à l’exercice de la poésie. Je ne peux pas me passer du champ d’observation et de réflexion que constitue une promenade. » (p. 9)

Les anciens du village se rappellent l’homme en marcheur régulier dans les environs.

***

Très vite l’horizon revient, comme une autre matrice poétique, l'observé indépassable. L’horizon maritime avait déjà attiré l’attention dans Éléments de géométrie, ce bel hommage rendu à la ligne (Éditions Tétras Lyre, Lyre sans bornes, 2005):

« Il n’est pas de moyen plus commode
d’étudier les déviations de la ligne, que
de se rendre à la mer. »

Puis

« Il n’y a pas d’équilibre sans glu. Si lointains
que soient les confins auxquels on se porte,
on verra que tous les horizons sont indécol-
lables de la terre. »

Enfin, dans Le Plumier de vent:

Comme si le poète avait cette aptitude ici révélée à capter sur l’horizon « la substance des mots », la condition de leur naissance tenant à « la pureté d’une distance non réductible.»

Appréciez au passage l’excellente mise en page de La Pierre d’Alun*. Puis-je aussi saluer d'un sourire d'acquiescement la présence des héritiers du poète dans le copyright de cette édition ? C'est bien ainsi qu'une oeuvre se protège en se propageant.

F. Jacqmin est l’homme des variations poétiques. Cette neuve mise à disposition de 600 lecteurs (son tirage !) nous aide à mieux percevoir la cohérence de deux de ses sources: la marche et l’horizon.


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