Le début de ce portrait me tournoyait dans la tête tout le temps de rentrer chez moi. Je me suis fait un café, assis et j'ai écrit entre 22h50 et 23h30. Je le voyais, ce Claudicoi. Une femme parle:
Il se retourne et me sourit, comme s’il me reconnaissait. C’est impossible. Je ne l’ai jamais vu. Je me tiens coite. Il va. Il revient. Tel un ressac magnétique dont je serais le pôle. Il repart. Sa marée est rapide. Claudicante. Il revient comme s’il était un moteur sur trois pistons, le quatrième perdu, en goguette chez les Iroquois, noyé au cœur d’une huile qui l’appelle et le retient sans l’apprivoiser. Il va saccadé, sans intransigeance. Inquiétant quand même sous sa coupe de cheveux narquoise.
Enfin, coupe… pas sûr qu’un attifeur l’ait approché depuis tout ce temps qu’il joue à élaborer un personnage si…, qu'il en devient impénétrable à lui -même. Si QUOI, sais pas.
Le lendemain, je le revois au même endroit. .. . A croire qu’il en a dormi là. Il pourrait me reconnaître, vu hier. Il est une indifférence sans l’avoir cherchée. Je recule, d’instinct. Une pénombre opportune retient sa lumière dans ses bras de brouillard. Je le suis du regard. Il chaloupe un peu. A de la ligne une idée plus complexe qu’une trajectoire recti ligne.
Il va de guingois sans être fourchu pour autant.
Quel vent caresse-t-il de ses bras qui moulinent dans le vide, repêchant au passage quelques mouettes asservies ? Quels sables foule-t-il pour en avoir acquis l’amble indécis d’un cheval, la bride sur le cou ? Pour une fois que Lady G. a si froid que…
Pendant tout mon séjour, rituels semblables. Variantes infimes nous tournent autour.
Il m’intrigue, me subjugue ; j’en attraperais cette chair de poule si caractéristique de mes peurs atterrées de l’enfance, celles qu’on ne dépose jamais au vestiaire du temps qui passe.
Il se fait asymptote sur le sable, touille dans le vague à marée basse. Le ciel plombe le mouvement de ses mains courtes dans une sujétion percolante aux glaces qui sifflent dans leur immatérielle raideur.
Mer de neige sur sable retient la trace de sa trajectoire. Il toise ça et là son univers abattu pour lui faire reprendre un mouvement connu de lui seul.
À sa place, je me verrais. Je n’y suis pas. Me voit-il ?
Il n’y a pas que le regard qui indice une présence. L’ignorer m’est impossible. Pourtant il me semble que je le dois pour éviter de virer à l’obsessionnel, version tango argentin ?
Vous ai-je dit que Claudicoi ne dit mot chaque fois qu’il a rejoint ma chaleur pour m’intimer la puissance de son surmenage ? Je n’y pouvais rien faire.
J’ai simplement pris le tram, suivi du regard jusqu’à ce qu’il soit un point sur l’horizon en marche arrière, cette silhouette que j’ai à jamais, là…
Cette fuite après rencontres ne l’a pas chassé. Je perçois la confusion de sa présence non linéaire. J’ouïs parfois l’effroi du silence qu’il transporte au fond de soi. Jusqu’à le toucher sans foi. Il est immanence de tous les instants.
Comme si, d’avoir connu la subversion de son univers faisait toute la place pour que l’hiver exprime sa pleine rancœur mal aimé incantatoire...
Jusqu’à mes rêves qu’il transperce de ses brouillards approximatifs.
Il serait plus simple que …
Mais je ne sais par où …
À quelle vitesse …
Je devrais …
peut-être …
pas.
Nous avons tous et toutes une rencontre marquante par vie. Une seule. Claudicoi est celle-là.
5/6.12.10