Je dédie ce poème aux bébés
(adultes maintenant)
qui m'ont fait confiance.
Présente-moi le monde
avec les mots justes.
Je serai capable.
Je n’ai pas les mots.
Toi, tu les as peut-être.
Et puis il y a toujours
chose, truc, machin.
Cela me convient.
J’imiterai les bruits,
tes sons, je serai la beauté
de ce que
tu me montreras,
je sentirai bon
la fleur attirante,
ma peau aura le velouté
de ses pétales.
Mes mains te le rendront.
Mes poings t’enserreront.
Ton monde m’est étranger.
Je suis bonne pâte.
Présente-le moi
avec les mots justes.
Fais-moi l’aimer
puisque tu as choisi
de m’y faire atterrir.
Amène-moi à l’abeille et au papillon,
à la paille et au grain;
porte ma caresse
sur l’agneau et la chèvre,
le poney et le veau.
N’invente rien pour soi-disant m’éveiller.
Tout est là autour de toi:
le bois, le cuir, la vague.
Peut-être que le plastique, si coloré n’est-ce pas,
peut-être que l’écran, si infini n’est-ce pas,
ne m’émouvraient pas tant…
Grandis, grandis avec moi;
sors de tes tumultes;
adviens à ta langue à toi,
que je la fasse mienne;
deviens l’adulte
que tu voudras que je devienne.
Présente-moi le monde
avec les mots justes
puisque tu as choisi
de m’y faire atterrir.
Montre-moi le concret,
montre-moi le touchable,
montre-moi le sensible.
Présente-moi la saison qui s’étend.
Tourne-toi vers le monde
avec les mots justes.
Tourne-moi vers l’onde,
l’armure incendiaire du robuste,
la minute de temps présent.
Développe en moi
l’amour,
l’amour du beau,
l’amour du chaud.
Fais-moi une joie
simple et avenante.
La passion frissonnera
dans mes veines.
Bats l’eau de la rivière,
fascine la cascade après la pluie,
soutiens le tonnerre.
La peur ne rend pas fort…
Grandis. Accepte-le aussi.
Fais-moi goûter le champignon,
froisser la menthe fraiche,
entendre l’oiseau invisible.
Apprends-moi la discrétion
dans la nature.
Apprends-moi la paix intérieure,
la force d’une respiration
à l’épure,
sans prieur.
***
**
*
Présente-moi
le monde avec les mots justes,
les mots justes puisque
tu as choisi de m’y faire naitre
sans me demander mon avis…
Que j’en jouisse aussi !
Nourris-moi,
de toutes les façons.
Nourris-moi,
moi, le nourrisson.
Fais-moi advenir
à la matrice du monde.