Nuit du 7 au 8 6 18
Parfois le corps sait mieux ses besoins intimes, en deça des seuils de la seule conscience: ils lui impulsent l'agir émané du giron de soi* qui intime une conduite certaine accrochée à l'éveil informe & pourtant informé par eux.
S'y fondre.
Elle nous fonde dans l'élan énergétique qui sourd de rivages insus induisant le laiteux, bananier, rubarbe & noix. Se confier ainsi à soi mobilise un vécu intérieur intense, sans ambiguïté formelle. Fort belle insistance suggérée, à l'abri d'anciennes culpabilités.
C'est une école de lenteur, source de syncrétisme aux origines enfouies. D'équilibre aussi.
Naviguer aux bords distendus de l'immense, s'y frayer un passage ténu au vouloir indécis, indécidable. Il propulse l'élan.
* C'est dans les profondeurs du giron que se niche le premier chakra, souvent évoqué par les mains de l'intense qui en avivent le cours dans cet écartement si convenable.
Me 24 5 18 10h30 en terrasse
Être l'austère intransigeance
d'un lâcher-prise corporel
sans autre retenue que cette bienveillance.
14h50
Le ciel entame son débordement
sous une lumière assombrie
par un train chargé de nuages
dans la matière sonore neutre
d'oreilles déchaussées,
ignorant de la sorte
le machinisme bruyant
du petit nain aux vaches de plastique.
Il pourchasse la moindre excroissance.
Les insectes, les abeilles
l'évitent depuis longtemps.
Pas folles, les guêpes feront de même.
15h30
La raideur même
de la pluie dressée
vaut tous les repassages
tous faux-plis gommés.
L'eau dévale du toit
en un rideau plus irrégulier
envahissant la terrasse
de larges flaques
où les gouttes directes
créent des impacts
à dispersion concentrique.
La nature est élégante
quand elle reste dans ses margelles.
Nulle griserie
dans cette grisaille
uniforme & pourtant
l'impassible verdeur
qui me sert d'horizon
à la table d'écriture,
l'accueil des pierres aussi,
sculptées par la mer
ou les mains de l'homme
les ayant extraites du Gange,
relativisent le repli au sec.
Tant que l'art pluvial
se contient
& reste dans l'art tisserand
des passementeries régulières,
l'élégance domine.
Quand les eaux dévalent
chargées de terres lessivées
la responsabilité
de nos agriculteurs (et de l'UE),
ces assassins de nos terres
à force d'épandages assassins
et d'érosions
d'horizons
mus par l'appât du gain,
leur responsabilité
est engagée.
Il faudra un jour que les compagnies d'assurances se retournent contre eux (nos agriculteurs et l'UE) plutôt que d'augmenter incessamment le montant de nos primes pour couvrir des dégâts qui s'aggravent, dans l'inaction politique de connivence.
Leur devoir est d'assumer... & de s'assurer en conséquence.
Me 23 5 18 tôt matin
Un lieu sauvage & désert
voisinant la mer
pour seul horizon.
Un pélerinage en pensée.
La toge laiteuse
enveloppe le matin.
Traces d'eaux, rages
suspendues dans l'air au sourire pâle.
Qu'une plume libérée
fluidifie la vie
de la sorte est d'une
bienveillance infinie
faite au soi.
Ma 22 5 18 Bureau havré
Nous n'étions pas nombreux à faire nos courses, ce matin: en majorité des personnes retirées de l'activité rémunérée aux profils très divers. C'est ainsi que se rencontrent fortuitement les contrary shoppers. Ils ne font pas leurs courses avec les foules, ont su casser leurs habitudes antérieures, nées des contraintes d'une vie active.
Déplacement de la table d'écriture sous la canopée, comme pour marquer l'arrivée de l'été tempéré dont le souffle se surprend par moments à caresser les joues d'une chaleur reconnaissante. Le soleil tape, à travers les nuages hauts. Et l'endroit est propice à l'abritement de quelque goutte lâchée ci & là.
La transprence du havre permet de suivre à travers la fenêtre de la cuisine le mouvement du véhicule qui circule lentement, pour une fois, dans la rue.
Je suis un homme du Sud tempéré. Ces quelques mois qui viennent livrent le corps à son élément natif, dans le plaisir évident de la dépose humaine.
L'accueil fait au corps
dans ce havre,
le souci de soi qui s'y confirme,
s'y creuse,
s'y approfondit dans une sérénité joyeuse,
peu démonstratrice,
mais essentielle.
Cette sérénité joyeuse & paisible s'épanouit dans le luxe d'un havre végétal noyé au coeur de la rurbanité banale. Il résonne des multiples chants d'oiseaux au passage ou en séjour provisoire & discret. La lumière, la tendre verdeur des feuilles jeunes encore du Buddleia, le lent balancement des branchages environnants sont une forme de sagesse qui nous vient du fond des âges à laquelle le corps est sensible.
Les tréteaux redescendus d'un cran grâce à leur meilleur écartement rendent la pose d'écriture plus eutonique.
Le merle posé sur la branche inférieure du premier bouleau ne vit pas l'humain immobile qui l'observe du coin de l'oeil, comme une menace à son éphémère arrêt.
Un chien distant s'égosille sur des cordes vocales à la tension assez aiguë. Il faut éduquer les maitres afin que leurs chiens ne fassent nul tapage. Pas un seul chat n'aurait cet égarement, cet épuisement vain. Il a mieux à faire ! Un seul rappel à l'ordre, lancé à la pleine ardeur d'une voix précise & posée: "Le chien !" ramène la paix dans le voisinage.
Une masse noire fort menaçante a envahi le Nord. Impossible du sol de prévoir sa direction. Déjà les vents qui caressent les cimes vont dans le sens opposé à celui qui frôle le sol...
Bonne pommaison, les pommiers !
15h40 Intérieur, bureau de Papa
La noirceur dégouline,
exprime son énorme potentiel aqueux
telle une verticale impassible & drue
tandis que l'orage se déchaine,
proche, deux fois
dans les mânes inaccessibles
au-dessus de nos têtes.
PC coupé, la précaution apprise.
15h55
Sans toujours deviner
l'aisance dont il parsème sa vie
désormais,
ses proches, il prend plaisir
à les rencontrer,
chacun·e dans le quant-à-soi
du colloque singulier.
Di 20 5 18
Le vent du jour a perdu de sa force insinuée. La chaleur se fait enveloppante. Nimbante.
La complicité-unité entre corps & conscience lui permet de conduire une perte pondérale de l'intérieur même du corps-conscience, sans devoir prendre de décisions. Cela se décide en soi, & s'il y a approbation par le corps-conscience, l'acte est alors posé.
Le temps intérieur s'informe périodiquement du temps universel pour en prendre conscience. Le flux est intemporel, a-temporel. Il s'écoule dans la continuité de l'essence, qui est le caché pour Lao-tseu.
Mais qu'ont-ils tant ce matin à frotter leurs caoutchoucs mécaniques sur bitumes & béton ? Cette errance semble ne pas devoir s'estomper, si éloignée de déposes possibles, à les entendre frayer au volant de leur arme potentiellement léthale.
La caresse enjouée du vent: une tendresse intime en apesanteur. Une évanescence.
L'oeil acéré par la bienveillance végétale accueillie. L'oreille captivée par les nombreux chants d'oiseaux, sous cape d'invisibilité.
Les sabots d'un cheval rythment un instant le temps étendu du midi de son passage tranquille sur le bitume. Salade.
Avoir une vie le plus entièrement possible tournée vers l'en-soi libère une énergie sereine, seulement éraflée par leurs bruyantes errances. Le vent frôle les branchages animés d'un mouvement dont le son n'est pas toujours facilement discernable par l'oreille alanguie.
Leur innocence, cette inocuité même, emmenée par un vent des hauteurs, se retire d'un mouvement subit au profit de quelque mastodonte mieux étagé, alourdi de noirceurs en passages occupant le champ visuel du corps allongé, disponible à sa détente.
Assister content au manifeste annoncé par Météo Nuance et Info Météo place le corps en connivence intime avec les éléments. Ils le dépassent. Il en fait partie, menu & inspiré.
A few sunny glimpses left. Each an impregnation.
Soudain s'insuffle au sol une énergie propre à soulever le fétu, le léger, l'indolent posé là. Pull enfilé, le corps savoure l'instant. Quelques jeunes détachées du Carpinus betula ci-dessus annoncent un déchainement. Repli.
Pluies franches.
Ve 18 5 18 7h45 Bonheur du jour
Je la sais bien cette femme que j’ai vue grandir ! Elle a déjà atteint une conscience habitée de son corps, ses potentiels, ses limites. Il en a toujours été ainsi. Nous avons tissé, dans notre belle collaboration, des liens raffermis d’ancienneté & assuré une complicité familiale qui fait d’elle, la prima interpares de mon entourage suivie de près par Les Mains de l’intense.
Amélie-les-Bains, une manière à 38 ans d’intervalle, l’âge du Maître d’Orient, d’apprécier le chemin parcouru: des Bains aux Mains. Progression alphabétique.
Et ce Collioure de dépose entre 1983 & 2013. Le cycle s’est refermé. Je ne savais pas la durée d’une période de temps long. La trentaine. Le nouveau cycle, entamé à cheval sur l’ancien, 2010-2040 ?
L’artiste méditant sa prière brûle de sculpter de neuf; peintures en cours.
Elles seront les deux gardiennes du temple.
15h30 Bureau havré
Sieste jardinière couverte. Hymnes bouddhistes accompagnent les profondeurs, ces rotondes aux croisements des ailleurs. Le rythme se donne à chaque jour une vie pleine d’imprévus, sans commune mesure avec le clepsydre temporel qui s’écoule différemment pour chacun·e d’entre nous.
Reçu LMDA.
D’où provient.
Lire. Baliser d’un soulignement inclus. Crayon, mine rouge tirant vers l’orange. Visage doux de chaleur absorbée, à la fois solaire & volcanique, réminiscence de l’assoupi musical.
Cinq pièces vêtent le corps, autant de refuges contre ce vent insistant qui oscille entre Est et Nord.
Conduire sa vie & la laisser libre de décider ce qui convient à chaque instant du corps de soi.
L’écart est un lieu sans lieu, un ailleurs discret & tramé dans la banalité rurbaine. L’univers intérieur suffit à le peupler.
Lui accorder une chance de survie. Lave-vaisselle à froid ! Thomson, cacaille. Pas six mois ! Le week-end s’essayera au lavage-main en réfléchissant à l’optimisation.
Être une densité épure,
une épure dense.
Vendredi 18h30
La réponse est non.
Reste la question.
À la question subsidiaire,
personne ne répond.
In Bon pour la casse, Bernard Lavilliers.
La vie survient en roue libre,
havrée, le corps a la parole.
Il tend la main vers la soupe :
deuxième tasse du jour.
La première, avant le repas
de la mi-journée.
Il a soif légumière.
Il a enfilé une doublure extérieure.
Protection rapprochée.
Les contraintes extérieures
conventionnelles
sont écartées
au profit du bien fondé
immergé dans cette
luxuriante paresse jardinière.
Le bureau havré pivote,
légère réorientation
solaire.
Sortir de ces ombres
qu’allonge l’éloignement.
La deuxième tasse façonne,
fascine une vibration à même la page.
Sans malice.
Au lendemain de l’intense
des évidences accueillies,
dans la complicité
d’une complémentarité
intergénérationnelle
reconnue.
Re-poser
le corps dans
son sillon large.
19h05
Le feu s’éloigne, se dilue
derrière un mince tissage blanc
qui en accentue le retrait.
Les lus se rassemblent.
Repli à l'abri.
Le pas pose le corps.
Le cours de Pise, Emmanuel Hocquard, P.O.L., 2018.
Citations:
« L'anecdote me sert à exposer quelle est la connotation d'un mot que j'emploie; me sert à expliquer que tous les mots que j'emploie ne sont réellement compréhensibles que par moi. Il n'y a pas de littéralité. Ou du moins, [...], la littéralité n'est qu'un terrain où vont s'accrocher toutes les subjectivités. Je pense aux affects, qui seraient un repoussoir dans les libres comme dans les cours D'Emmanuel Hocquard. Jusqu'à ce que la question devienne: comment rendre un affect intelligent ? Je pense au destinataire. » Préface de David Lespiau, 23.
« Anecdote: récit relatif à un petit fait de caractère privé et sans portée générale. L'idiot est friand d'anecdotes. En fait, pour lui, tout est anecdote ... » Nous écrit Emmanuel Hocquard, 43. Notons au passage que l'idiot bénéficie d'un traitement acéré qui éloigne assez fort du sens commun que le mot peut évoquer.
Il cite ensuite les deux philosophes qu'il lit avec assiduité:
Deleuze d'une part: « Nietzsche dispose d'une méthode qu'il invente: il ne faut se contenter ni de biographie, ni de bibliographie; il faut atteindre un point secret où la même chose est anecdote de la vie et aphorisme de la pensée. » in Logique du sens, Minuit, 1969.
Wittgenstein par ailleurs, elle est un peu longue, une rareté chez lui !, mais elle illustre bien le rôle de l'anecdote: « Je venais de prendre des pommes dans un sac en papier où elles avaient séjourné longtemps; j'avais dû en couper beaucoup par la moitié, et jeter la partie pourrie. Comme je recopiais, un instant plus tard, une phrase que j'avais écrite, dont la dernière (seconde ?) moitié était mauvaise, je la regardai aussitôt comme une pomme à demi pourrie. Il en va généralement ainsi pour moi: tout ce qui arrive devient une image de ce à quoi je suis en train de penser. » in Remarques mêlées, T.E.R., 1984.
Applications
Inattentions — Dé-vigilances
Il a suffi d'observer
son art du non-faire
pendant que son collègue s'activait;
gsm en main, inutile.
Le regard vague alors croise
celui de l'observateur.
Il a suffi de /
pour qu'il entre en crainte diffuse
face à cet observateur inconnu,
pour qu'il feigne l'action dirigée
sur ce chantier qui traine...
Laissé à ses démons... 9 5 18
Permis de tuer
Une Mini-noire: au volant
une conductrice inattentive
pose, sans freiner, la main surprise
devant la bouche
en entendant un Ho ! sonore
de l'homme blanc
traversant dans les clous, lui.
D'autres en sont morts. 9 5 18
Le second coq a disparu,
comme les oeufs du harem.
Une simple porte laissée ouverte:
vigilance animale instinctive
de tous les instants.
Survivre en rurbain diffus:
pas une sinécure
d'être renards. 9 5 18
Le vague, l'inattention-vigilances animales: syndromes sociétaux ? 9 5 18
Matin rurbain se faufile
en un parcours moins bruyant
que le roulis des asphaltes
autrefois empierrées,
serpentant
à travers les campagnes.
Tracé citadin zigzague
à l'heure de leur sieste:
un piétonnier y festoie.
Ce vent des hauteurs
mollit sur la gangue polluée.
La ville chauffe sous le pull.
Le sac découche le corps.
Rue Pouplin: façades penchées
sur la pavée; des rires fusent.
Les trois copines fleurissent
chaque arrondi de leurs pas.
L'air léger transperce
les couches hivernales.
Ville assise sur le fleuve
vire au bleu, prolonge
l'espace intersidéral
de sa magie d'ardeurs
accrocheuses & paisibles.
Dans le train,
elle s'assoupit
ébauchant
un visage
assagi,
à peine froncé par
la rumeur
joyeuse
du wagon.
6 4 18
Air mâtin
À l'éveil du jour,
il y flotte des vivats
sur la cité endormie. 5 4 18
Végétal:
l'immobile coi
joie embrassée
empreinte-corps
Franges du monde
Ascèse en soi
Élan, assise de lumière.
Saisir les occasions
sans l'ire des saisons
Avoir éloigné le devoir
et son sens perdu...
Au profit de la sérénité
assise en soi:
rhubarbes, mûriers, framboisiers
autant de désirs, promesses de saveurs. 27 3 18
Une lucidité sur soi
Devenir une émergence
émue par le flux qui l'inclut
sans le restreindre. 27 3 18
Soupe entassée
Lucidité poétique
proche effleuré
vacations jardinières
Présence
péremptoire
& douce
Univers. 25 3 18
Chairs vespérales recuites
aspirent au velours nocturne
des flanelles hivernales. Éteindre.
Se faufiler entre deux caresses de flanelle. 25 .3 18
Éponger l'énergie
à travers les doubles vêtures.
Chaleurs internes préservées,
magnifiées par l'innocence solaire.
Lavish Sunday generosity.
Ce lent malaxage
des profondeurs et interstices
densifie les matériaux
dont le corps est fait. 25 3 18
Cycles, replis.
Brouillards accrochés
aux frondaisons dépouillées.
Semailles neigeuses. 22 3 18
Le froid agrippe les mains
fourrées au fond des gants.
Il rétracte le visage
dans l'aisance d'une écharpe. 21 3 18
L'heure neigeuse
réarrange le jour
sans le perturber.
Matin d'ici. 20 3 18
L'air roide se pique de solaire.
Polar à même la peau
conserve au corps sa chaleur
intestine & douce. 20 3 18
Une grisaille éteinte
grisonne sans attrait.
Le jour court vers la nuit passant au bleu
sans même une griserie visuelle. 18 3 18
Le corps invite la fatigue
à consentir à
l'alitement sombré
d'innocence virginale.
La nuit rénove les flux
en les déposant
aux fonds inconçus
de la conscience complice. 17 3 18