26 02 20
Première neige
La vitre blanchie signale à l'oeil sa venue.
La baie jardinière confirme.
Un trait régulier choit dru
& sans urgence.
La beauté incontestable suspend.
Sa présence alanguit le regard.
Ce plaisir visuel est précieux au corps de soi.
Épure visuelle: la neige en nimbe le paysage.
Elle rend presque palpable ce son matelassé.
Chaque flocon parvient, confortable & feutré.
20 1 20
Au sortir de deux épisodes de ce feuilleton magnétique, Les rivières pourpres, ceci: L'Afrique reste le seul continent encore peuplé d'humanité native. Ce n'est pas un hasard que Lucy y vécut. Humanité native, comme on dit d'une forêt qu'elle est primaire.
16 1 20
Une lumière accouplée au souffle,
un air à couper tout beurre,
une douceur fondue sur l'hiver absenté.
Toute avancée peut se payer une gelée blanche.
Continument nourrir
ces quelques visiteurs de terrasse,
une forme de partage.
15 1 20
Larges bandes de nuages
aux joues rosies par l'aube.
Elle confine la nuit
pour huit heures vingt-neuf.
La langue anglaise a cette saveur précise qui en fait une intermédiaire précieuse entre le latin et le français: All things excellent are as difficult as they are rare. Edwin Curley, d'après Spinoza.
Morsures d'ombres ligneuses
sur fresque murale vivante.
Chaque instant les déplace.
12 1 20
Prés sages alignés:
présages sans fond,
pressages sûrs susurrés.
Entre foire & fromage,
fariboles indécises,
farandoles incongrues.
Présures toxiques
voisages cordés
voies sages sur contreforts.
L'occupation de jours sans lumière prend corps dans les replis du retrait, dans la discrétion des liens avec les proches. Chacun·e à son rythme.
7 1 20
Hiver, cul par Terre.
Elle semble s'en accommoder.
Ailleurs, ses colères sont sévères.
Il a les yeux bleus lavés de vide.
Il s'assied à contresens.
Avoir établi
une vigie attentive au corps de soi
y optimise la joie.
Les anges du Pont
ont tant soufflé qu'une
large déchirure faite aux nuages
déborde sur le Condroz voisin.
Le bleu de ces cieux
suffit à nourrir le jour.
Satiété de lumière nourricière.
3 1 20
C’est aussi dans les ressources du silence
que le corps offre à son mental propre
l’occasion d’effleure à la source
quelque surgissement naturel
de l’intuition native au corps de soi.
S’y cueille alors chaque pépite poétique
à même le flux.
La vibration émotive du vers
sourd probablement de ces rencontres.
Le fortuit a dans ces instants peu sa place.
C’est aussi à cela que peut aboutir
l’immersion philosophique
dans les Opera posthuma de Spinoza
& ses nombreuses exégèses !
Émarger aux nuances traductives aide.
21 12 19
Se laisser voguer
au gré des instants
sans divaguer pour autant.
Être porté par
une conduite de soi
encline à clémence.
Elle propulsera le corps
au jardin avec
une tasse de soupe.
Aérer les passages,
ventiler les vantaux
en ce lopin terrien
à soi confié
le temps qui lui reste,
lieu des ressources
où le corps pénètre
avec une joie,
un silence ponctué
de cris d'enfants,
quelques pétarades
rréglementairres aussi.
(le rrèglement communal
fut fessebouquement rappelé hier,
comme si contrevenir en conviendrait !)
Et puis l'oeil s'aiguise,
détecte des élans vitaux,
un bourgeon ci, une rosette là.
La main gantée du sécateur
allège deci de là,
désenchevêtre quelques ramilles,
dégage l'accès,
pour la lumière aussi;
le balai, les bras,
la brouette, les feuilles terrassées y
compostent les fanes de cuisine.
Les dons reçus du verger,
attablés depuis deux mois,
se compoteront en cuisine
dans la foulée, deux heures
d'une fluidité corporelle,
gîtée aussi par
trois vantaux ouverts.
Le corps citadin
a appris les foules saisonnières
du capitalisme délétère:
il se faufile au dehors
en un recoin qui compte,
y puise une bienséance.
20 12 19
Deux soulignements de ciel framboise,
fin de journée, inclinent à la rêverie
ventilée par la béance:
Allègements utiles
de stagnations aériennes intérieures.
Confinements pluvieux.
Parer à
déplaisir
corporel.
20 12 19
Caresses de pluie tracées
sur fond de grisaille.
S'évente la nudité accomplie
de ramures jardinières.
S'y teste la souplesse apprise
de leurs prolongements.
13 12 19
Méandres en estuaire. S'y élargir.
Sertir sans le dire
de perles doigtées
aux silences innombrables,
enfouies, affleurantes,
soudaines urgences à s'écrire
pour en aligner le cours
sur des pages de carnet.
Ouverture comme ça à la page 230
du roman de Vincent Message,
Cora dans la spirale:
« NULLE PART on ne fait mieux l'amour qu'à la Cité du Crussol — entrée au 7 rue Oberkampf —, & découvrir cela est de l'ordre de l'évènement. »
Comme si l'ouvrage voulait me convaincre
d'y plonger... Ce paragraphe d'ailleurs a tout
d'une initiation au toucher féminin
d'un corps de femme: une
très belle scène d'amour.
Sentir la matière douce
à même la peau de l'abdomen
du meuble à écrire
dont la pente lumineuse
est tendue de sérénité,
cette grâce du Bouddha thai,
métal jaune. Il se tient là, jambes
en lotus, main droite dans la gauche
posées sur la cheville droite.
L'artiste en a façonné
la forme à même un moule répétitif,
deux kilos de métal jaune,
à l'exactitude chargée
d'une éternité vitale
gardée en mémoire
au coeur de sa matière en fusion.
Sa puissance évocatrice
par l'imaginaire enfoui là,
une pratique millénaire
entre les phrases recuites
d'un Bobin pétrissant l'Outrenoir
& celles beaucoup plus inédites,
de Michel Serres (1 9 1930 - 1 6 2019)
en son oeuvrage terminal: Relire le relié.
L'intuition ne choisit pas.
Elle s'y coule,
lave apaisée d'un feu vital
qui se plait, jour mouillé, à
« rester en dehors de la société pour ne pas éprouver de désagréments ni en causer. » A. Schopenhauer,
citation saisie au vol
dans un message public
sur une plateforme philosophique.
Consentir à ce qui de toute façon
ne peut être évité, tel l'hiver,
libère le corps-conscience,
dès lors disponible
à se déposer là où
le cocon est le plus accueillant.
Vie élaguée,
espaces imaginaires
par les mots effleurés:
ligne d'horizon en ligne de mire,
l'estuaire sombre:
que la lumière fût à ce point grise,
calfeutrée par l'épaisseur qu'elle traverse
malgré tout, de moins en moins
intense à mesure qu'approche
le couchant solaire
sur ce bout de terre-ci.
Feuillets échus sur le fil
d'une vie de lectures.
Elle s'en nourrit.
Elle y habite.