J'y suis favorable, fit-il, pensant à la lecture suspendue des Fénéon-neries matinales. Et il se remit à feuilleter ces bijoux de concision ciselés d'une main mûre et sûre. Il avait 45 ans à l'époque.
N'hésitez pas à en profiter vous aussi ! Grâce à la BNF, beaucoup de journaux anciens ont été scannés. Ils sont disponibles gratuitement pendant le mois d'avril. Félix Fénéon a officié de mai à novembre 1906 au journal Le Matin, en page 3, avec ses célébrissimes Nouvelles en trois lignes. Bien sûr, il existe des tas de sélections en livrées de ces Nouvelles; ici, elles figurent brutes de décoffrage, telles qu'il en peuplait ses nuits...
Donc en avril 2016, ne vous découvrez pas d'un fil mais suivez le fil de la page 3... Ravissements de lectures originales. Et de voir surgir au détour des pages de grandes pointures de la vie politique française, tel Jean Jaurès. Des photos. Un journalisme qui savait écrire... Une autre époque.
Par ailleurs, Hélène Védrine introduit et édite en 1998 un grand nombre de ces Nouvelles en trois lignes, en livre de poche (collection biblio n°3298, ne figure plus au catalogue en ligne de l'éditeur), donc à prix très démocratique. Citation: « Ces brefs comptes rendus de faits divers, publiés de mai à novembre 1906 en page 3 du Matin au milieu d'autres notules... ». 9
Sauf que ces Nouvelles en trois lignes continuent après novembre 1906. Je suis pour l'instant (21 04 16) arrivé en février 1907 et ce bonheur de lecture continue d'une joie indicible et secrète (enfin pas si secrète que ça !).
Alors, des hypothèses en forme de questions:
1. Mme Védrine a-t-elle eu accès aux journaux en préparant son édition ou bien, comme elle le dit dans sa Note sur la présente édition 23, s'est-elle accommodée d'en vérifier la conformité avec « l'édition des Oeuvres plus que complètes, réunies par Joan U. Halperin en 1970 chez Droz. » ? Une source secondaire donc, car rien d'autre n'est dit sur les règles qui ont guidé cette édition, source ô combien essentielle et accessible de ces perles rares.
2. Les Nouvelles postérieures à fin novembre 1906 sont-elles toujours de la main de F.F. ? Il semble y avoir consensus pour dire que non. J'extrais ceci de l'article que Wikipedia consacre à l'auteur:
« La publication en volumes
Hormis une plaquette de 43 pages, Les impressionnistes en 1886, tirée à 227 exemplaires, Félix Fénéon n'a publié aucun ouvrage de son vivant14. Les Nouvelles en trois lignes ne dérogent pas à la règle, et ce n'est qu'en 1948 que fut publiée chez Gallimard une édition (établie par Jean Paulhan) des Œuvres de Félix Fénéon, contenant notamment les chroniques du Matin. Celles-ci avaient été retrouvées sur un cahier appartenant à Fénéon et dans lequel il avait collé, découpées après leur parution dans le quotidien, celles qu'il avait écrites15. »
Aucune rupture de style pourtant, methinks. Le plaisir-lecteur est de même qualité. Bref du doute, là.
3. Dernière hypothèse: je me trompe... Bon, ben voilà. N'empêche... il serait intéressant de comparer la manière dont le rédacteur qui l'a précédé et celui qui l'a suivi se différencient de lui.
Le Petit Mercure a sorti une nouvelle édition en décembre 2015.
Un échantillon, je suppose, vous plairait assez ?
Le concordat signé en 1905 soulève toujours beaucoup de résistances chez les catholiques. F.F. a choisi son camp depuis longtemps. Les municipalistes (socialistes, mais pas que, laïques en tout cas), sont très actifs. | 4 2 1907 F.F. ? |
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Tant de sousentendus dans cette valise retrouvée à Cerbère... | 20 1 1907 F.F. ? |
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Pas neutre évidemment de choisir cette nouvelle parmi toutes les dépèches arrivant à la rédaction. | 1 5 1906 |
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Cela → donne une idée des salaires. « Pour en avoir 5 ils font grève. » Comment ne pas admirer ? | 3 5 1906 |