La plasticité peut-elle prendre place au coeur de la mésologie ?
La plasticité, telle que l'expose M.-W. Debono, s'immisce dans l'en-tant-que de la formule méso-logique majeure, quoique assez inutilement complexe, voire compliquée pour les non-spécialistes, les amateurs (de amare, aimer !) dans mon genre: r = S/P. L'en-tant-que se loge dans la barre oblique.
r = S/P se lit: la réalité, c’est le sujet en tant que prédicat. Tout sujet-Moi, individuel ou collectif, humain ou non-humain, a son monde propre. Le en-tant-que = la trajection donne du sens à ce « ce mouvement par lequel » il y a « subjectivation de l’environnement & environnementalisation du sujet. » (3e définition ci-dessous).
La trajection jouit de nombreux développements dans l'oeuvre berquienne; un échantillon personnel, relativement définitoire, suit.
TRAJECTION/1 | JACERE jeter, trans au-delà, par-delà; se jeter au-delà de l'identité, et notamment traverser la limite entre le sujet et l'objet, le sujet et son environnement, Première utilisation dans le sauvage et l'artifice, les Japonais devant la nature 1986; en japonais, tsutai. La TRAJECTION est ce qui distingue le vivant d'une machine, / Ce qui distingue le vivant d'une machine, c'est la trajection; la trajection consiste à se jeter au-delà de l'identité, à traverser la limite entre sujet et objet. La trajection n'est pas numérisable. La trajection distingue l'homme de la machine. / Opération trajective (plus abstrait que trajet, ce mot connote spécifiquement la réversibilité). « Le mot vient du latin trajectio: traversée, transfert. Le français du XVIe, par exemple chez Montaigne, employait encore le verbe trajecter dans le sens de transporter. » |
TRAJECTION/2 | Vise explicitement à combler le gouffre instauré par le dualisme entre le subjectif et l'objectif. Il s'agissait pour cette mésologie d'établir une relation causale entre ce milieu et les comportements humains. La trajection est un va et vient, à la fois cosmisation du corps et somatisation (soma= le corps) du monde. Aussi TRAJECTIF et TRAJECTVITÉ. PT 35, 76; ECOU, 94 n 11. |
TRAJECTION/3 | La trajection est « ce mouvement par lequel » (AB) il y a « subjectivation de l’environnement & environnementalisation du sujet. » (Imanishi) ECOU déb. |
TRAJECTION/4 | Trajection ‹ trajicere : jeter au-delà, traverser. Un mouvement de va-et-vient entre le sujet et l’objet instituant la réalité qui n’est ni subjective ni objective mais trajective. De nouveaux précidats (P’ etc.) se calent sur la réalité précédente (P). Ce calage trajectif S à P et boucle de retour de P à S: néantielle absurdité d’un éternel retour. (concept Nietzschéen-vérif )article 2010, §38. |
Et donc, la plasticité de la trajection se démontrerait: ce jeté au delà, cette traversée seraient doués de souplesse, de plasticité. Et si la plasticité était elle-même trajective ? Elles s'émeuvent à l'intuition d'une rencontre, en tout cas.
Le site centralisateur de cette conception de la plasticité se trouve en suivant ce lien. Les membres de Plasticités Sciences Arts ont pris soin de bien définir ce concept de plasticité. Elle semble couvrir davantage que la résilience, de nature plus strictement psychologique, voire psychanalytique.
Séminalités
1. C'est la première fois que j'ai l'impression dans ce séminaire autour de la mésologie que deux univers construits & contemporains sont rendus compatibles. Les têtes pensantes de ces deux univers seraient bien avisées de nous tenir au courant de leurs recherches devenues (?) communes !
2. Les bribes d'universaux qui nous ont été présentés auparavant ne tiennent plus la route depuis que ce concept de plasticité nous a été présenté.
3. Il serait toutefois bien injuste de passer sous silence
- cette verticalité dont J.-B. Bing s'est fait l'orateur. Il a également apporté une contribution remarquable à l'heuristique de la lenteur;
- la perception du milieu en Égypte ancienne, par Madame C. Somaglino,
- et l'anthropologie gustative du durian défendue par un jeune chercheur liégeois.
4. Il faut dire aussi que MM. Debono & Bing ont pris soin de nous parler, avec un support visuel bien construit, plutôt que de lire à voix haute des notes écrites pour être lues silencieusement, ce qui est toujours la marque, je le crains, d'un passéisme oratoire révolu, d'un attachement assez stérile à l'écrit qui en vient à nier la construction d'un lien personnel entre l'orateur et son auditoire au moyen d'images, & d'autres dimensions plus directement parlantes à un auditoire venu pour écouter/voir/ressentir. La médiation des savoirs est un apport capital du siècle qui se déroule sous nos pieds. Un article récent sur « The conversation » en dit plus long encore.