L'autonomie joyeuse de soi s'instaure insensiblement
- dans la confiance paisible installée en soi: l'énergie s'écoule, tel un flux libre de circuler en soi, à l'image d'un fleuve dans son lit majeur lors d'une inondation, en ce compris dans les zones d'ombre et de nuit qui constituent la part majeure de nous-mêmes, nos cavernes, gouffres et chantoirs; ces zones semblent inaccessibles à la conscience la plupart du temps;
- dans la meilleure prise en compte des forces en nous qui agissent sans que la conscience soit de la partie, confortée par la lecture que fait J. F. Billeter du Tchouang-tseu; il nous revient alors de laisser agir ces forces en ne voulant pas agir soi-même, comme si la conscience nous donnait un temps le sentiment de maîtriser le cours des choses, ce qu'elle ne peut pas faire.
La conscience agit alors comme une OBSERVATRICE de l'action exercée par ces forces: en n'intervenant pas, elle assure au soi du bon déroulement des choses. Elle exerce alors une forme atténuée de magistère d'influence bienveillant pour le déroulement des choses tant qu'il advient de façon adéquate dans les limites qu'elle avait balisées.
L'approfondissement à l'oeuvre dans cette réflexion vespérale (24 1 18) indique deux directions:
- attribuer à la conscience un rôle d'observatrice des actes posés, de l'action en cours;
- d'autre part, J. F. Billeter nomme plus précisément la nature des forces à l'oeuvre. Il semble en effet établir une distinction entre deux formes d'énergie:
- l'énergie subtile qui constitue le fond de toutes choses,
- l'énergie diffuse que nous avons en nous. Cette énergie diffuse est (= se définit comme) un VIDE ENTIÈREMENT DISPONIBLE, c'est-à-dire « l'énergie encore indéterminée dont surgira l'acte. » in Notes sur Tchouang-tseu et la philosophie, VII, 88
« L'acte (une de ses traductions du Tao/Dao) s'assemble seulement dans ce vide. » Confucius
C'est dans ce vide que la voie à suivre trace les pas du corps. « Une entière disponibilité est la condition de l'acte. » C'est parce que l'énergie est encore indéterminée que l'acte s'assemble avec la conscience comme observatrice du (bon) fonctionnement des choses (autre traduction du Tao/Dao).
« Le Ts'i [chi] n'est pas le fondement de l'univers entier, dont nous ne savons rien, mais celui de notre réalité corporelle et de notre subjectivité. Ce Ts'i-là est une activité (tao), il connaît en nous différents régimes. Il peut [engendrer] dans certains de ces régimes, des idées nouvelles ou des actes inspirés qui sont des évènements
- pour ceux qui les accomplissent,
- comme pour ceux que ces actes touchent ou qui en sont les témoins. » id, 89.
Le ts'i en tant que fondement de notre réalité corporelle sensible et fondement de notre subjectivité intuitive semble pouvoir être mis en regard de la kundalinî, tel qu'elle se définit sous la plume de L. Silburn dans le shivaïsme tantrique du Cachemire.
Cette bribe philosophique, qui prend un tour plus personnel, fait suite à de nombreuses lectures dans l'oeuvre de J. F. Billeter.