Entre constats et prophétie autoréalisatrice, une certaine forme de lucidité tranquille ? Peut-être !
La lucidité en tout cas permet de ne rien aggraver. Elle induit souvent du discernement: celui-ci permet au corps de se faufiler presque incognito & de traverser sans encombres des zones perturbées. Jusqu'à présent, sans aucun gage pris sur l'avenir.
La prophétie autoréalisatrice a deux équivalents:
- prendre ses désirs pour la réalité/pour argent comptant, ce qui correspondrait à l'expression se fourrer le doigt dans l'oeil jusqu'au coude...
- l'autre équivalent, en apparence plus élégant, se dit wishful thinking en anglais. Il a le grand mérite de faire taire toute vulgarité ironique... tout en ne se leurrant nullement sur le travail d'équilibriste que représente pour chacune/pour chacun d'entre nous
- le simple désir de persister dans son être (Spinoza),
- ou, encore mieux, le désir de progresser & de s'accomplir (Jean François Billeter).
Tant qu'affleure un désir de parfaire, d'élargir, d'approfondir, de nuancer la suite d'apprentissages possibles en tous domaines (manuels et intellectuels), la vie continue de prendre corps en soi. La constante extension des domaines d'intérêt/d'intéressement pour le soi est une reconnaissance. N'est pas niable le fait que la situation incertaine dans laquelle nous plonge la pandémie de SARS-COV-2 apporte des mutations, c'est-à-dire des changements pérennes non susceptibles de revenir à un état d'avant 2020. Il n'y a plus de norme. La normalité se reformule, se propulse différente, prudente, vigilante. Spinoza y a préparé à la perfection en la définissant avec son CAUTE, traduit comme méfiance.
La façon dont le corps s'emmène dans les profondeurs de plus en plus nocturnes de l'automne tient d'une satisfaction intense. Mener une vie par la main au travers d'intensités qui, quand elles sont bien "adressées", familiarisent le corps à une forme satisfaisante d'épanouissement sans autosatisfaction béate – évidemment hors sujet – mais plutôt à une forme de plénitude intérieure, silencieuse, attachée à combler le moindre interstice laissé par des viduités résiduelles qu'il (le corps) hebergerait encore. Car bien sûr, le corps n'éliminera pas/jamais tous les appels du vide, tous les faux-pas, les déséquilibres, etc.
La perfection n'est pas humainement accessible, probablement, mais en tout cas, ce corps-ci s'applique aussi pleinement
- qu'il le peut,
- qu'il en est capable,
- qu'il s'en sent capable,
à tendre vers une forme de perfection accessible. Cette tension est d'inégale puissance, elle dépend de tant de facteurs différents.
Le perfectionnement de soi tient à la tranquille attention qu'il y consacre.
L'intensité qui s'en dégage l'éloigne déjà de la multitude. À elle seule, cette intensité paisible dégage le corps de la multitude. De toute façon, la multitude n'a jamais vraiment eu les faveurs de corps-ci.
Accompagner une vie simple, afin qu'elle se simplifie d'autant plus qu'elle s'essentialise dans la durée, découvre dans les actes qu'elle pose des sources de meilleure complétude.
C'est à cet entier corporel que le soi est profondément attaché. Cet attachement semble souvent s'approfondir de son plein gré, je veux dire sans qu'il y ait d'intervention d'une volonté adressée, d'un intention délibérée. Cette disponibilité-là prend place dans l'Éthique de Spinoza sous le vocable intuition (3e genre de connaissance)
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