« Prendre la réalité pour ses désirs », telle est la formulation que donne Jean Cornil à la dernière proposition de l'Éthique*, dans un article qu'il consacre à Spinoza. Il considère Spinoza comme un phare pour éclairer notre culture.
À chacun donc de prendre la réalité pour ses désirs et non de prendre ses désirs pour la réalité.
Prendre le réel comme désir et non ses désirs comme réels.
Désirer le réel, l’existant, comble & permet d'asseoir son chemin de vie sur du solide.
*Pour rappel, voici la traduction que J F Billeter donne de la proposition 42 (Ve partie):
« La Béatitude n'est pas la récompense de la vertu,
mais la vertu elle-même;
et nous n'en jouissons pas parce que nous maitrisons nos passions,
mais c'est au contraire parce que nous jouissons d'elle que nous sommes en mesure de les maitriser. » J. F. Billeter, Esquisses, 2017, p. 94
C'est à un renversement des perspectives avec lesquelles nous considérons notre vie que nous invite Spinoza depuis trois siècles et demi. Il s'agit pour lui en cette tout dernière proposition que contient son Éthique de nous appeler à davantage faire preuve de joie raisonnable (c'est-à-dire adossée à la raison de l'humain qu'elle imprègne), née du contentement intérieur plus constant en soi; une joie intérieure agissante & discrète qui résulte d'une plus grande constance à vivre content en soi en connaissance de causes. C'est ainsi que se définit de façon personnelle la béatitude spinoziste, au terme d'une étude approfondie d'exégètes bien plus avertis de son message.
Il s'agit en effectuant ce renversement d'inverser l'orientation du désir, comme le dit R. Misrahi dans La nacre & le rocher.
Renvoi vers un autre essai approfondissant la notion de Renversement des perspectives, en cliquant sur le titre.
J. Cornil nous rappelle aussi dans son article de vulgarisation cette autre maxime célèbre de Spinoza:
« Ne pas se moquer,
ne pas se lamenter,
ne pas détester,
mais
comprendre. »
En nous offrant ces deux pensées spinozistes côte à côte, J. Cornil m'a aussi insufflé ceci:
En prenant le réel pour désir, le réel cesse d'être détestable. Faire avec lui parce qu'il est mieux compris permet de ne plus se lamenter. Quant à la moquerie, elle est de tout temps une grave inélégance faite à autrui.
Comprendre le réel comme désir permet d'éviter bien
- des énervements,
- des colères,
- des insatisfactions.
Et dès lors est un sauf-conduit vers davantage
- de sérénité,
- d'apaisement,
- de plénitude.
D'un tableau, la substantifique moelle:
moins | davantage |
d'énervement | de sérénité |
de colère | d'apaisement |
d'insatisfaction | de plénitude |