Je suis en train de me découvrir un nouvel enthousiasme en tant que lecteur de fictions.

C'est à la revue mensuelle LE MATRICULE DES ANGES (octobre 2024, n° 257), et à Éric Dussert qui y écrit, que je suis redevable de la découverte d'un univers total.

Laure Hinckel est en train de traduire du roumain en français l'oeuvre de Mircea Cărtărescu qui loge aux éditions Noir sur blanc.

Voilà assurément trois volumes déjà traduits d'une oeuvre à emporter sur une île. Elle n'aura pas l'outrecuidance d'être déserte. Juste éloignée du quotidien ronronnant. Solénoïde était de stock dans le fonds d'une librairie liégeoise paisible. Les deux autres ont été commandés chez un Tilffois, au Long Courrier, proximité géographique oblige. Ils ont rejoint la Léonardienne ce vendredi 24 octobre 2024.


Une durée qui se défait, c'est un roman. A. Thibaudet,
cité par Gilles Deleuze, in Sur Deleuze, 368-9

Le Grand Robert, vol. VI: Soléno = canal, tuyau < grec solen, solenos

Solénoïde : bobine cylindrique de révolution constituée par une ou plusieurs couches de fil conducteur enroulé & traversé par un courant qui crée sur son axe un champ magnétique qui lui est proportionnel. En 1822, [André-Marie] Ampère [1775-1836] invente le solénoïde en démontrant qu'un fil métallique enroulé en hélices fournit, quand il est parcouru par un courant continu, le véritable équivalent d'un aimant.

« Des mères en robes à imprimé, tenant une petite fille par la main et marchant vers nulle part. » 32

« Voilà qu'à présent j'écris le texte que j'avais toujours imaginé, tout en lisant des livres sophistiqués et puissants et intelligents et cohérents et pleins de folie et de sagesse, le texte que je n'ai jamais trouvé nulle part: il se situe en dehors du musée de la littérature, il est une vraie porte dessinée en l'air et par laquelle j'espère sortir réellement de mon propre crâne » 69-70


27 10 24 Heure d'hiver. Heurt du temps manipulé, saturé dans toutes ses dimensions, s'étirant sur une durée dont l'infinitude même semble encore trop courte, trop imparfaite pour se confronter/con-frotter aux dimensions spatiales surmultipliées jusqu'à l'impossible suffocation. L'univers narratif créé par Mircea Cărtărescu est monolithique, minéral en diable, impénétrable & souverain.

Un pouvoir d'attraction à la fois irrémédiable et terrifiant, cette prose. Une appétence pour elle à petites doses en alternant les trois atmosphères, très différentes. Une technique comme une autre pour se porter jusqu'aux confins de la perte d'haleine avant de s'y (con)fondre.

La confronter dans l'inconfort extrême de la perte d'équilibre par estompement de tout repère connu. S'y creuser un repaire pourtant. S'en repaître jusqu'à la défection du premier café du matin du jour premier, celui de l'heure hivernale triturée.

Quand l'heure qu'il est n'est provisoirement plus un promontoire balisé de façon internalisée, se mesurer à cette saturation scripturale, pas sûr que ce soit un réconfort, ou alors informe, dense comme un brouillard matinal, opacifiant même.

 

M'étant physiquement entouré des trois ouvrages disponibles chez l'éditeur, j'erre, loin de toute hagardise, entre ces trois flux narratifs aux fins d'une triple imprégnation par les univers multiples nés, renés, de cette plume solide, un diamant brillant de mille feux allumés concurremment.

[8h58]7h58
Se laisser envahir, au-delà de toute perversion, par ces flux emprosés d'une force de persuasion inédite. Les rencontres sont fortes, puissantes, parfois dévastatrices mais aussi roboratives.

[9h15]8h15
Il s'agit de DIS/CONTINUER, comme le clame encore un signet plastifié à partir d'un support de "faire-savoir" pour le Festival Voix de femmes 2021 (Liège). Ce sera la façon d'y sur-vivre, de la conforter dans la durée tout au long de ce dimanche d'heurt hivernal.

Sont-ce ainsi qu'agissent les socles bourgeonnants qu'une écriture hypnotique fait naitre sous nos yeux autant de bubons pubescents qui éclosent en autant de rafales foudroyantes. La maison se tient au chaud tandis que les membres inférieurs coulissent à nouveau sous ce cocon de lectures alors que le soleil s'isole au-dessus d'une couche nuageuse compacte, comme s'il s'agissait par là de confirmer la proximité d'une hivernalité proportionnée à la saison des ombres refroidies, presque roides.

Ce n'était pas encore « l'hiver, le plein et grand hiver, la lumière » n'était pas encore « devenue bleu pâle et le garçonnet voyait avec étonnement combien les choses changent à mesure que les saison passent sur elles... » p.30, Melancholia, Les Ponts.

« Dans le vestibule régnait un silence mat, d'avant l'apparition de l'oreille en ce monde. » 33, id.

C'est en survolant le texte que j'appréhende le mieux l'ambiance d'extrême & plaisante étrangeté que cette prose recèle, voguant de balise en balise pour mieux cerner les contours intérieurs que ces Ponts renferment. J'apprécie l'atmosphère d'irréalité rêveuse que cette nouvelle onirique diffuse en moi. 9h32 [10h32].

Accueillir l'heure changée, l'attraire dans un vide temporel tapissé de ces trois univers confine au génie d'une écriture si tendue d'inusité. Coup de chapeau très admiratif à la traductrice ! 11h Il règne en extérieur un crachin d'heure d'hiver.

 

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