26 12 21
S’achemine en soi
une fascination à
la béance dodue
en lisant Constance ou la pure révolte

D’une plume majeure
se contredit l’arbitraire
des conventions
(99): voilà
qui dit en très peu de mots

ce qui pourtant ne
participe que si peu de l’éducation
qu’enfants reçoivent de leurs progéniteurs
Je chemine sur une pensée qui en moi se forme,

si loin du conforme,
autour d’une hypothèse encore informulée:
elle se déduirait dès lors
en cours du déroulé de l’intrigue

Une fiction ? Un idéable* à
atteindre plutôt
Élire en offrande
l’interstice utile

pour le laisser se
fomenter en soi


* « IDÉER, verbe trans.
PHILOS., rare. Former une/des idée(s); concevoir. Voir, percevoir, penser, idéer, se souvenir, induire et déduire (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1840-48, p. 704). La science est la somme des objets idéés par l'homme (Lar. 19e) : Je connois ou j'idée la sagesse, je ne l'imagine pas; j'imagine le mécanisme de mon propre corps, et je ne le conçois pas. On imagine le solide sans le concevoir, on conçoit l'intellectuel sans l'imaginer.  BONALD, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 245.

REM. Idéable, adj. Qui peut être conçu. L'erreur est imaginable, mais (...) elle n'est pas idéable ou compréhensible (BONALD, Essai analyt., 1800, p. 242).
Prononc. : [idee]. Étymol. et Hist. 1800 « former des idées » (BONALD, Essai analyt., p. 217). Dér. de idée*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 29. Bbg. QUEM. DDL t. 13. » Source: TLFi


& si justement la rigueur qu'implique la relation sao-maso, terme élu par les éditeurs, ne me sied pas forcément, sa pratique inconnue en tout cas, mais nul autre ne me vient– à moins que, oulipien, toute contrainte libère, ne soit davantage seyant... – & si donc, la contrainte libératoire entre mère & fille consistait justement à guider l'éducation sensualo-sexuelle de l'adolescente afin de l'équiper durablement d'une clé de décodage corporel qui lui permettra alors d'explorer avec ses partenaires sexuels élus toute la palette des possibles ?

& si donc, Jacques Abeille/Léo Barthe avait mis le doigt sur un possible à la frontière de tant de tabous nés dans la nuit des temps que les religions, toutes, ont contribué à établir ?

L'extrême balisage des limites à ne pas franchir pendant le temps de l'écolage dans ce type de relations sexuelles SM conviendrait donc en quelque sorte à servir de plateforme éducative aux fins d'équiper la génération mûrie sous le ceinturon d'outils propices à promouvoir une plus saine & plus épanouissante conduite sexuelle une fois l'âge de la maturité légale atteint. Très éloignée de dominations non consenties.

L'autorité de la grisaille extérieure, l'emprise qu'elle exerce sur la lumière qui s'absente déjà en milieu d'après-midi de ce temps de première lecture entre noël et nouvel-an 2021, rendent ma lecture d'autant plus passionnément attentive à l'articulation des scènes entre elles, tout autant qu'à la langue majuscule dont Jacques a su de tous temps être le maître. Un absolu en ce qui me concerne.

L'enfilage de rebondissements successifs comble, dans la vie jeune de la jeune fille, des béances dont elle ignorait la présence en elle, jusqu'à se saisir de certitudes intuitives que sa mère confirme en lui racontant le réel tel qu'elle a eu la force d'en ouvrir le déferlement pour le rendre enfin librement accessible à Constance.

Car c'est en ordonnançant nos joies propres
qu'elles acquièrent le potentiel suffisant
pour s'épanouir aussi pleinement que possible en nous.

Les attestations d'une éclatante maturité filiale sur le plan sexuel sont très au-dessus de l'univers maternel tel qu'il s'affichera par son comportement ultérieur. "Car nul ne saurait s'opposer longtemps aux exigences de son tempérament propre. " 122

En feuilletant l'album où Nadège pose sous l'objectif de son père, dans cet album confié à un fond secret du bureau paternel, Constance « est surprise de constater la présence en elle d'une certitude invraisemblable: obéissant à un ordre, entravée au ras de soi & livrée dans la plus humiliante & la plus obscène des postures à l'attention d'un aréopage de libertins cyniques, NADÈGE ACCÈDE ENFIN À LA LIBERTÉ DONT EST TISSÉ LE JOUIR. » 120 Jacques Abeille a joui d'une double formation philosophique & artistique. Il semblerait bien qu'il déploie l'une & l'autre, & de façon constante, dans son oeuvre.

Camille a atteint "l'âge de la vérité" 173. Dire le réel vrai n'est aucun affront pour elle. Elle balise ainsi sa vie propre d'un cheminement authentique.

Songeant, quelques jours après avoir refermé l'ouvrage, aux relents, aux redoutes aussi, qui affleurent en provenance de Constance Ou La Pure Révolte, une impression surnage: à commencer par la justesse du titre alternatif. La fille, son parcours, se trace un cheminement sous ses propres pas qui se dirige à l'opposé de celui que sa mère décide de prendre, en jeune cougar de son neveu pour le meilleur contentement des deux.

Camille, elle, dans ce récit, a appris de son éducation posée à même la peau de sa sensualité puissante "son âge de vérité" en se couchant "en travers de l'allée parmi les feuilles mortes" 187. Le dessin final de Pauline Berneron dit la vérité de ce corps nu car "dans le silence de l'orage suspendu, résonne le battement sourd d'un galop lointain qui se rapproche". 186


« Car nul ne saurait s'opposer longtemps aux exigences de son tempérament propre. » 122

Sur le propre, bien traité par Jean François Billeter, voir Une appropriation épurée dans le recueil qui lui est consacré sur Nulle Part.



Ce qu'en disent les éditeurs:

« Inceste sado-maso entre mère et fille. Une écriture tirée au cordeau.

Constance, docile, s’exécute... sous le regard acéré de Maman.
Et si l’inceste se conjuguait au féminin ? Et si l’inceste se doublait d’une perversité froide ? Et si Maman donnait, encore, la fessée, à son adolescente de fille ?
Récit incorrect, puissant, dérangeant.

Le prisme que choisit Barthe, déboulonne les clichés de l’inceste.
Qui a l’emprise ? Qui pratique le défendu ? à lire pour trouver des réponses en quinconce. »


Jean-Paul Gavart-Perret, ce qu'il en dit sur linternaute:

« Ici une jeune fille docile – Constance – s’exécute sous le regard acéré et les mains de sa mère. Preuve que l’inceste peut se conjuguer au féminin. Qui plus est au sein   d’une perversité froide lorsque la maternante (en théorie) donne encore, la fessée  à sa fille adolescente.

Une nouvelle fois Léo Barthe découpe le monde. Mais en oblique. Et loin des duplications érotiques des fabricants de chromos. Du réel il ne s'occupe que du "reste", de ce qui est pris pour l'horrible afin d'accéder à une configuration symbolique qui – sans l’annuler comme reste – devient l'espace où  les choses s’ouvrent  là où bée ce rien qui est un tout. »


Deux des illustrations de Pauline Berneron insérées dans l'ouvrage:

 

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