le minéral chez Jacques Abeille
Une nouvelle, dans ce nocturne féminin qu'est Celles qui viennent avec la nuit, a particulièrement retenu mon attention: elle a pour titre Le gésir. L'univers minéral y est prégnant. Déjà, la statuaire des jardins, le grain des chemins parcourus à travers les contrées, les pierres écroulées de Terrèbre après avoir été livrée aux barbares, beaucoup concourt à cette thématique minérale. Dans cette nouvelle, hors cycle des contrées, la thématique minérale est traitée dans l'au-delà du dénudement face à la conjugalité qui s'opère entre l'humain, l'organique donc, & le minéral.
À force de vouloir reconstruire l'histoire mouvementée des surgissements littéraires de Jacques Abeille/Léo Barthe, je me demande si parfois les historiens de la littérature n'omettent pas un peu trop souvent d'aborder des thématiques récurrentes très richement nourries par un univers (mental) dont les plis/déplis/pliures s'offrent, chargées d'une énergie considérable, à nos univers propres. Comme si leur tâche consistait avant tout, dans leurs écrits souvent universitaires, à n'en point trop dire pour ne pas déflorer le sujet, en connivence implicite avec les éditeurs dont l'argent fluidifié rend accessible ces majestueuses emprises thématiques.
Nos lectures plus sauvages affrontent parfois des entortillements intimes aux universaux intangibles dont l'auteur est porteur.
LE GÉSIR mérite donc de s'y approfondir. Dans le Thésaurus Larousse, gésir apparait une fois sous le thème de la mort, dans un assemblage (26), avec le commentaire: vieux, sauf dans l'inscription tumulaire traditionnelle: CI-GIT; reposer.
La mort est bien présente dans la nouvelle: « L'odeur écoeurante suffocante et si dense qu'au moindre mouvement il la brasse comme élément plus lourd que l'air, plus insidieux que l'eau, est celle de la mort même. » 32
Cette nouvelle tient en son creux un riche vocabulaire à la géologique & minéral. Voici une tentative d'en relever les caractères remarquables. Quelque soit en effet la façon d'indaguer cette langue abeilleinne, elle se révèle si précise, si informée qu'elle en devient encore plus fascinante. Quel que soit le thème que l'imaginaire de l'auteur porte à notre attention, toujours la langue s'y déploie sans défaut.
Avoir récemment pris conscience que, peu importe la thématique finalement, c'est la fascination informée pour une langue majestueuse qui anime mes lectures incessées de son oeuvre.