Il n'y en a apparemment pas qu'un, d'animal de compagnie. En ayant atteint la page 70, peuvent s'en nommer deux déjà: Buster & ... Henriette.

J'ai alors entrepris d'élire les premières phrases des neuf chapitres non numérotés (seule la mise en page fait indice) et cette impression s'y confirme:

 1  On dit d'Henriette qu'elle a du caractère.  Page 5
 2  Quand elle a émergé à la nuit tombée, Henriette m'a trouvé sous la lampe, perché sur un bloc de papier à la surface duquel je tissais sagement le texte qui narrait notre singulière histoire.  41
 3  L'heureux temps qui a succédé au départ de Buster s'est étalé sur trois semaines environ & puis un soir Henriette est rentrée chez nous en retard.  75
 4  J'ai su plus tard qu'assez vitre Edmond s'était forgé une autre passion dans laquelle il se reposait de son enquête toujours teintée d'anxiété et de doutes divers sur la sodomie et ses ressorts.  97
 5  Dans les jours qui suivirent, les deux femmes ont pris langue et de nouveau ce fut le temps des conciliabules.  123
 6  Quelques semaines ont passé sans hâte.  139
 7  Quand Edmond et Georgette sont rentrés de leur séjour lointain, nous les avons invités à dîner pour les entendre nous raconter leur équipée.  147
 8  Tu parles ! s'est écriée Henriette dès qu'ils nous eurent quittés en emmenant Buster.  149
9  Ce soir-là j'ai commencé à lire à Henriette mon manuscrit. 157

 

À nouveau, comme c'est très souvent le cas dans le cycle des contrées, le roman est emmené par un scipteur qui s'y exprime en Je. À la plume, Léo Barthe qui suit les écritures de Jean, compagnon d'Henriette. Le couple accueille dans un premier temps ce chien d'un couple ami auquel un dogsitter a au dernier moment fait défaut: Buster. Joies approfondies.

Ses "maîtres" revenus, le couple (une enseignante et un commercial) fait évoluer ses pratiques amoureuses, forts des apports approfondis par la présence du chien désormais rentré au bercail.

Georgette, sa maitresse, pressent puis ressent les changements de comportement... Elle s'en ouvre à son amie, Henriette. L'affaire se corse encore quand le mari finit par devenir un observateur averti... Bref, Léo Barthe s'amuse dans une langue riche en impromptus voluptueux.

 Le démarrage sur les chapeaux de roues de L'animal de compagnie (2018) forme un singulier contraste avec le rythme plus lentement amené de Princesse Johanna en s'immiscant au coeur du couple que forme Henriette & Jean tandis que celui-ci, rentrant du bureau à l'improviste demeure « pétrifié sur le seuil. Henriette était là. Profondément engoncée dans le fauteuil Voltaire dont nous étions si fiers, les bras alanguis ... Les cuisses étaient rejetées chacune sur l'accoudoir, entre elles s'affairait la tête de Buster. La situation a soudain rendu à mon ouie toute son acuité. La gueule de Buster émettait l'obscène et flasque bruit que font les chiens quand ils procèdent à leur toilette intime... » (9.10)

L'authenticité qui empreint leurs dialogues post partum canis... est digne d'éloges pour la liberté de ton adoptée: une confiance réciproque unit ce couple, avec nous pour témoins. La circonspection se mue en intérêt à mesure que la lecture progresse, tant l'art consommé du narrateur, bien connu sur Nulle Part, sait à tout le moins se faire enchanteur.

L'illustratice de la couverture, Mïrka Lugosi, a elle-même publié un ouvrage avec cette même illustration en page de couverture intitulé ... Le malaise enchanté... publié (et depuis lors épuisé) par les éditions Memo.

Ni le dressage humain, dans Princesse Johanna, ni les amours interspécifiques ici ne sont ma tasse de thé et pourtant la fascination pleine & entière qu'exercent la période et le vocabulaire abeillo-barthiens immunisent du moindre soubresaut de malséante vulgarité. C'est ainsi que s'encouragent la progression du lecteur, page à page, en double affût...

Tout parait inconcevable à l'imaginaire habité de soi; cependant tout y est (d)écrit avec un tel respect mutuel en tous points digne d'éloges, comme si le texte lui-même faisait une place où y lover un lectorat qui s'y attache, au-delà de retenues diverses et réticences natives... L'exploit, double est notable: il connote une complicité nécessaire, dans la dignité de la fréquentation intense d'une écriture majestueuse dont les volûtes désormais familières se sont initialement déployées dans le cycle des Contrées.

Accepter d'être conduit par les sens déployés, offerts au coeur des phrases sur une partition en tous points maitrisée avec une justesse de ton qui émeut au-delà du dicible tant elle doit être rare parce que inédite.

C'est à narguer les confins de leurs pudeurs intimes que cet Animal de compagnie s'emploie, et les nôtres aussi en lectures qui, par un miracle d'écritures abouties à l'extrême, ne s'érodent jamais en un voyeurisme qui nous en distancierait sans retour.

Cette écriture ne tait rien des surgescences émanées de profondeurs à la fois inédites & insues du couple que forment Henriette & Jean mais aussi des deux amies, Georgette et Henriette, & nous confronte dès lors, dans un même élan, sans jamais nous emmener sur des pentes dont nous réprouverions dans le même temps l'inclinaison/l'inclination, voire le ... penchant/pendant de hontes héritées de tant de livres qui s'ingénient, comme Edmond en somme - il est ingénieur ! - depuis longtemps à en écarter les dangers au nom d'errances inconduites tant narguées par les trois monothéismes en usages bien trop fréquents en nos diverses contrées physiques.

 

 

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