Re-né Daumal (1908-1944) a tissé un réseau dense de liens avec l'Inde. Il se concocte, comme pour A. Camus, un florilège.
NON
Re-né Daumal et Albert Camus, tous deux éclairés par l’Inde, ont au moins le NON en commun.
Jean Claude Acarias, dans un beau texte intitulé Attitude degré zéro inclus dans René Daumal ou le retour à soi (Textes inédits et
études) publié chez L’Originel, 1981) dit ceci de la négation:
« Cette essence, que les bouddhistes ont appelé le ‘Non Né’, les hindous l’’atma’ (le soi), est – disent les antiques sagesses – présente en nous, mais recouverte par différents voiles-revêtements. D’où l’affirmation de Daumal : l’éveil est négation. Il définissait dès 1929 le principe de toute voie : ‘L’esprit individuel atteint l’absolu de soi-même par négations successives (…) le sujet pur ne se conçoit que comme limite d’une négation perpétuelle’ (Contre-Ciel, 26).
‘[Car le NON voulant se parler universel, il soulève les voiles niés-apparus, qui s’attachent à lui…] Et tu t’affranchiras de tes limites lorsque tu auras pensé et fait : cette individualité, c’est mon vêtement, ce n’est pas moi’. (CC 31) La négation est l’acte ascétique par lequel l’être nie successivement les enveloppes qui cachent sa vraie nature. Elle représente également … la seule approche possible de l’impossible définition du ‘sans nom’, ouverture sur le ‘soi’ qui n’est ‘ni ceci-ni cela’, l’état non duel ne pouvant être appréhendé que comme négation de tous les qualificatifs et de tous les opposés. » (121)
Daumal toujours, dans Le Contre-Ciel, (59) :
« Non, non, non ! car je vois les signes
encore faibles dans un banc de brume lente
mais certains, car les sons qu’ils peignent
sont les frères des cris que j’étouffe,
car les chemins incroyables qu’ils tracent
sont les frères de mes pas de plomb;
je vois les signes de ma force sans bornes, l’assassine
de ma vie et d’autres vies sœurs. »
[Pour Camus, le révolté est] « un homme qui dit non, mais Camus explique qu’en disant non, cet homme dit oui aussi. Car son non a une double implication: en disant non, il pose une limite, une frontière et du même coup il reconnaît tout ce qui est contenu à l’intérieur de ces frontières et qui est beaucoup plus important que ce qui est rejeté… D’un point de vue existentiel, la révolte représente donc le moment l’individu advient. [Camus dit dans L’homme révolté] « la conscience vient au jour avec la révolte. » SC 163