Marcel Conche, qui fait partie des philosophes chers à André Comte-Sponville, a le mérite d'avoir relu Nietzsche pour y déceler des traces de bouddhisme. L'éditeur affirme d'ailleurs que cet ouvrage est le seul sur le sujet.
Dès l'entame de cette conférence, M. Conche souligne l'anti-bouddhisme de Nietzsche: « La nostalgie (par exemple bouddhiste) du néant est la négation de la sagesse tragique, son contraire. » (24)
« Supprimer, comme le veut le Bouddha, les trois racines du mal: le désir, la haine et l'erreur, est un préalable, non un aboutissement. » (18)
L'erreur est la racine du mal la plus difficile à éradiquer, car pour ne plus être dans l'erreur, il faut avoir appris à la déceler, la repérer et avoir appris les chemins qui évitent au soi de la commettre.
13 « Être devenu autre chose, ce n'est plus être ce que l'on était. » Marcel Conche.
Reformulation personnalisée: Mon chemin va de celui que j'étais à cet autre devenu.
25 Selon Nietzsche, deux traits prédisposent au bouddhisme: l'hypersensibilité et l'hypercérébralité, dixit M. Conche.
Cette sensibilité est la voie empruntée par le changement pour avoir lieu; la cérébralité permet de baliser le chemin de repères sûrs, sans être sûr(e) que ces repères soient préservés de l'erreur... d'ailleurs !
27 Nietzsche associe bouddhisme, pessimisme, nihilisme. « En cela, dit M. Conche, il est bien dans la tonalité de son époque. » « Pour voir une chose entièrement, l'homme doit avoir deux yeux, un d'amour et un de haine. » (F. Nietzsche) Et M. Conche nous décode: « Nietzsche porte sur le bouddhisme un regard positif ou négatif selon qu'il le voit en perspective oblique ou indirecte, à savoir... par réflexion sur le christianisme, comme une sorte de bon christianisme, ou en perspective directe, comme étant de toute façon un nihilisme, un symptôme de la fatigue de vivre. » 27-28
L'argument de M. Conche va pouvoir se déployer selon ces deux perspectives. Dans la première, F. Nietzsche est antichrétien, donc incline positivement face au bouddhisme. « Le christianisme d'aujourd'hui, devenu opiacé, hédoniste, décadent... et le socialisme qui ne songe qu'à réduire, voire abolir la souffrance, témoignent d'un terrain propice à l'extension du bouddhisme. » Jésus, Bouddha, Épicure, même combat en quelque sorte dans la perspective nietzschéenne des années 1880.
36 « La sagesse bouddhiste est bonne pour les humbles auxquels elle apprend … à se résigner au réel. » Pas faux, pas faux... Très marxiste comme analyse... cher Friedrich...
36 La deuxième perspective, directe, voit Nietzsche nettement moins enclin au bouddhisme car il est « l'exact opposé de sa propre sagesse tragique. Il ne peut que porter sur [la doctrine du Bouddha] un jugement extrêmement négatif. » (M. Conche) L'auteur procède alors à une lecture serrée de Nietzsche quand il oppose sa sagesse tragique à la doctrine du Bouddha.
Dans la troisième partie de sa conférence, M. Conche, qui dit s'être efforcé d'être impersonnel jusque là, nous invite à être personnel maintenant, et philosophe. Cinq thèses, des façons de voir sur lesquelles ils s'accordent, l'agréent, lui M. Conche, parce qu'elles lui semblent justes:
1. Phénoménisme,
2. Incroyance,
3. Le rôle de l'expérience du philosophe,
4. Le pessimisme,
5. La signification de la mort.
Ce sont des « des points de secrète connivence ».
Marcel Conche conclut alors son exposé sur ses propres réserves implicites.
DÉSIRS
Il en est « qui nous rendent esclaves et qu'il faut abolir - les désirs sociaux (?JM) et les désirs vains d'Épicure -, d'autres (désirs) enfin qui nous rendent libre parce qu'ils ... viennent à l'appui de notre recherche de la vérité. »
Des DOULEURS
- « qu'il faut, si on le peut, abolir car elles écrasent et mortifient l'âme avec le corps;
- mais il y a des douleurs liées aux actes de fécondité et de création qu'ils faut vouloir » (euh, la péridurale...mais je suis mal placé pour en parler...)
- et enfin il y a des douleurs nobles, comme sont les douleurs de participation qu'inspire l'amour. » (?)
...
SENS DE LA VIE
« Si la vie s'achève avec la mort (55), quel est le sens de la vie ? » M. Conche y voit l'amour de la recherche (métaphysique) et le combat infini des idées (56).
« C'est dans l'inachevé pourtant à chaque instant achevé, que nous avons notre meilleure santé. Cette activité ... a sa fin en elle-même, elle ... rend sensée la vie ! » (56)
Quête de philosophe donc. Et ceux qui ne le sont pas, ou pas assez, ils font comment ? C'est sur cette interrogation que se clôture ma propre lecture.