C’était un employé modèle. Vieux modèle, disaient ses collègues. Il portait chemise, cravate, chaussures noires, pardessus en hiver, gabardine à l’entre-saison et, en toute saison, se coiffait d’un feutre noir. Le tout impeccable : il disposait d’un arsenal de brosses : à chaussures, à habits et à chapeau.
Chaque matin, il laissait chapeau et manteau au vestiaire. Or, ce soir-là, quand il voulut mettre son chapeau, la chose fut impossible : il était trop petit ! Quelqu’un avait-il pris son couvre-chef par mégarde ? Il examina l’intérieur du chapeau :c’était le sien, marqué à son chiffre… Il rentra chez lui, très troublé, puis oublia l’incident. Le lendemain matin, le chapeau lui allait de nouveau comme un gant. Mais en fin de journée, même surprise : pas moyen de se chapeauter ! Il en fut ainsi tout au long de la semaine. Cette fois, il était inquiet, il craignit d’avoir attrapé la grosse tête, il songea avec horreur à l’hydrocéphalie…
Tant et si bien qu’il consulta le médecin. Celui-ci ne constata rien d’anormal, lui prescrivit des anxiolytiques et lui conseilla de prendra matin et soir la mesure de son périmètre crânien, puis d’en reporter les chiffres sur une feuille de papier millimétré. Le graphique ainsi obtenu ne révéla aucune anomalie. La tête ne variait pas d’un cheveu. Il en perdait le boire et le manger, manquait de concentration au travail et reçut un avertissement de la direction.
Sur la patère, le chapeau rigolait doucement. Il méditait un nouveau coup : fini de rétrécir ! demain, il allait s’élargir.


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