Il aurait fallu
Ouvrir grand la porte
Le laisser entrer
Qu’il puisse poser son sac
Et le fardeau de sa misère
Lui offrir le pain et le vin
L’eau chaude et le savon
La buée sur les vitres
La lumière de la lampe  
Le matelas et les draps propres
Une trêve dans son errance

Il avait la voix basse
Et douce
Et lasse
Il était même beau
Il a dit qu’il faisait froid
Et c’était la vérité…

Il a refermé la grille
Sans faire de bruit
Puis
Il est reparti dans la nuit

On ne nous apprend pas
À ne pas nous méfier.

***

Bien sûr il est revenu
Calme et têtu
Il a accepté mon aumône dérisoire
Il a demandé quelque chose
De sucré
J’avais encore sur la langue
Le goût du massepain
Et du péché de gourmandise
Il a bien voulu le boudin au sang
Et le quignon de pain blanc
Il m’a montré ses mains
Courtes et nues
Comment n’ai-je pas compris
Qu’une paire de gants aurait suffi
À ses pauvres doigts engourdis ?
La cuisine était chaude et claire
La cour sombre et glacée
Il a redemandé, timidement,
Sur la pointe des mots
Un coin pour dormir
Une cave, un grenier…
(À l’impossible nul ne renonce)
Il connaissait déjà ma réponse
Navrée, navrante
Mon refus de l’héberger
Et ma désolante prudence

Il n’a pas encore de nom
Il reviendra avant Noël


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