Marcher,
Marcher sous les ors de la cantatrice des collines,
au pas que peuvent prendre les roses, une fois acquises  
au couloir des chanterelles. Leur musique souligne d’une ombre  
les mouvements d’une voix, porteuse de l’ode aux bergers  
partis vivre sur les contreforts, dans cet univers  
qu’ils recréent de leurs mains tout un été.
Permettre,
Permettre à l’aurore de sabler cette romance dans la brume
d’une poudre farcie de peut-être, voir émerger le zénith  
sans broncher, comme un Génie des Alpages qui tournerait  
les pages d’un Abeille, sans hâte, sans lenteur, à l’amble de son
cheval;  
parcourir,
parcourir l’espace sans broncher, dans la fixité  
de l’air densifié par la chaleur des animaux;  
s’endormir,
s’endormir sous l’étoile d’un rêve nourri de ces imaginaires.


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Note: ce texte a été lu en l'atelier de poésie emmené par Karel Logist pour le compte d'IMAGINACTION.
J'ai pêché onze mots dans Valéry Larbaud Ode, in  Panorama critique de Rimbaud au surréalisme de G.-E. Clancier.
Les mots: berger cantatrice chanterelle colline couloir mouvement musique ode rose vivre voix

Le poème:

Ode, Valéry Larbaud

Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée,
Ô train de luxe ! et l’angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre
lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
Ô Harmonika-Zug !

J’ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow.
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Étaient vêtus de peaux de moutons crues et sales…
(Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j’ai vu passer la
Sibérie et les monts du Samnium,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous
une pluie tiède !

Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn, prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle ;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d’or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…

Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement  
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D’enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.  

(Valery Larbaud, Les Poésies d'A.O. Barnabooth, 1913)


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