Le bienfait principal que cet ouvrage sur la décision de soi dans l'oeuvre de Spinoza exerce sur son lectorat est, il me semble, de procéder de telle sorte de se sentir accompagné·e par quelqu'un qui s'est posé les mêmes questions floues qui émergent en soi et qui y prennent un contour mieux dessiné, plus précis. Cet accompagnement est précieux tant qu'il s'accompagne d'une lecture compagne soulignante au pas lent, réflexif, qui se cherche un équilibre et le trouve sur le parcours tant il se sent en compagnie amicale, attentive, attentionnée. Elle est forcément lente, cette lecture, en tout cas d'une lenteur propre à chacun/chacune, tenant compte des besoins propres en fonction de notre parcours intime de vie. Elle est aussi faite d'interruptions, de suspensions et de reprises. Hormis le dépôt d'un signet, l'essai recensoir (souvent encensoir...) s'utilise comme assise-repère.

J'ai acquis la certitude d'être compris par ce texte pour autant que j'accepte de m'y inscrire jusqu'à m'y fondre à feu doux. J'ai adopté pour ma lecture le pas tranquille du cheval qui s'applique à manger, tête penchée sur l'herbe, tout à la parfaite immanence de l'instant, de chaque instant.

Il serait intéressant par ailleurs d'assister à une conversation philosophique entre Pierre Zaoui et Pascal Chabot, auteur d'un ouvrage récent (2024) intitulé Un sens à la vie: Enquête philosophique sur l'essentiel (PUF, 2024). Je m'attacherai à la lecture de cet ouvrage quand j'aurai terminé d'extraire de ce Spinoza, la décision de soi sa substantifique moëlle. Juste ceci de Chabot, déjà: « Le sens est plutôt un fluide qui circule dans nos vies, qui irrigue les pans de notre existence. [Le sens] est une énergie fondamentale qui nous porte et qui appelle une énergétique du sens. » 53 Le sens n'existe pas quelque part. « Le sens circule entre sensations, significations et orientations. Parfois [le sens] s'exprime, parfois   en plus de s'exprimer, [le sens] se transmet sciemment. Il arrive aussi qu'il se bloque, s'altère et c'est cette dynamique qu'il s'agit de suivre. Vivre, c'est faire circuler du sens. » 54


Zaoui, 109 « Décider de soi pour Spinoza, c'est ... d'emblée ... accepter plutôt que de se laisser choisir par des forces que l'on ne maitrise pas et qui sont pourtant libératrices. »

Zaoui, 111: Miracle empirique. La foi est un miracle arbitraire. Deux grands penseurs de la décision de soi sont Spinoza et Kierkegaard. « Le spinozisme réel... consiste à dissoudre lentement et précautionneusement tous les paradoxes au lieu d'y répondre, en les remplaçant par d'autres [paradoxes] plus objectifs, plus impersonnels:

  • le paradoxe de l'intériorité par le paradoxe d'extériorité immanente (Dieu ou la nature),
  • le paradoxe du saut par le paradoxe de l'extension du déjà-là,
  • le paradoxe de l'instant et de la répétition par le paradoxe de l'expérience durable de l'éternité.

Le miracle est à la fois

  • ce qui a eu lieu,
  • ce que l'on ne pourra jamais comprendre,
  • ce qui ne nous vient pas d'un autre.

Ils ne sont là que pour s'en défaire. » 113

114 Le miracle de la décision de soi consiste toujours à être le même (ou presque) MAIS de l'être autrement, de vivre la même chose (ou presque) mais autrement.

116-121 Résumé

  • vanité
  • peur
  • angoisse
  • expérience proprement dite du miracle sous la forme d'une triple vision
  1. vision de la parfaite puissance d'arrachement du travail intellectuel comme activité (l'acte même d'une méditation prodonde est déjà en lui-même un sanctuaire efficace)
  2. vision de l'inanité de son propre désespoir
  3. vision de la transvaluation de tous les biens périssables dans leur dimension positive.

Les pages 121 à 198 sont centrales au propos du chapitre intitulé Les raisons des miracles. Elles se structurent autour de deux expériences qui semblent conditionner l'advenue du miracle de la décision de soi. Elles correspondent par ailleurs en tous points à mon parcours personnel ces deux ou trois dernières années: d'abord nier le réel, puis renoncer à le modifier pour l'enfin accepter puisqu'il est de toute façon tel. C'est très puissamment organisé par l'auteur dans un continuum textuel très habilement conduit.

121 Première expérience, celle du négatif

  1. Le mal
  2. L'interdit
  3. Le faux

134 Une pragmatique du mal

140 Une pragmatique des règles

151 Une pragmatique du faux

163 Deuxième expérience, celle du renoncement

Elle semble conditionner l'advenue du miracle de la décision: les jouissances obscures du renoncement. (l'obscur comme jouissance, à creuser donc !)

165 Les forces psychiques du renoncement ?

171 Le renoncement est une autosélection et un autoraffinement immanents au seul champ de nos désirs.

173 La décision de soi s'enracine dans le désir primordial de chacun, à savoir ce que Spinoza appelle le conatus, l'effort de persévérer dans son être.


Pierre Zaoui se montre ici d'accord avec Jean François Billeter: (174) Les deux faces du conatus [sont]

  • d'une part une face protectrice - persévérer dans son être, conserver son soi immédiat,
  • d'autre part une face conquérante, tropique [qui consiste à] augmenter sa puissance d'affecter et d'être affecté, ce qui équivaut à passer à un soi plus puissant.

Jean François Billeter, lui, écrit ceci dans Esquisses: Le désir de progresser et de s'accomplir est plus fondamental que le s'imple désir de continuer, de persévérer dans son être.

P. Zaoui complète, précise encore davantage ce qui était synthétisé par J. F. Billeter. Les deux auteurs ne semblent pas se lire.

Pierre Macherey suggère trois traductions possibles au mot conatus: effort, tendance pulsion. Voir la lecture cursive que j'ai faite de la cinquième partie de l'Éthique sous sa guidance textuelle.

175 L'essentiel consiste à ramener des désirs d'apparence contradictoire à la source fondamentale d'où ces désirs émanent tous, le désir un de vivre pleinement.


176 À quoi renoncer ?

190 Simultanéité de la cause et de l'effet

La jouissance supérieure du désir de soi.

 

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