Je dédie ce texte
au cheval triste
dans une prairie...

L’AMOUR INTELLECTUEL DE LA NATURE
tel qu’il se déploie en ce jardin paresseux

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Ce texte résulte d’une modification opérée sur le dernier chapitre (L’amour intellectuel de Dieu) du livre d’Éric Delassus, Une géométrie des affects: La troisième partie de l’Éthique: « Dieu » a été remplacé par « la Nature », (et en procédant aux accords féminins)

• comme le propose Michel Juffé dans Café Spinoza. Cela ouvre la lecture, cela la rend même plus compréhensible,
• & comme l’autorise par ailleurs expressément Spinoza avec sa célèbre équivalence Deus sive Natura.

Cela donne un texte autre que celui écrit par Éric Delassus bien sûr. Il prend une ampleur inédite pour le lecteur assidu & agnostique que je suis de l’oeuvre de Spinoza et de ses nombreux exégètes (FR/EN/NL).
La lecture que je fais du texte modifié d’Éric Delassus est évidemment entièrement mienne en ce sens que j’y adosse des éléments qui gravitent dans la perception intuitive de la Nature que j’ai acquise dans le jardin à l’arrière de ma maison.

Pour montrer comment je suis passé en trois étapes de l'original d'Éric Delassus à ce texte-ci, j'ai également hébergé sur Nulle Part un tableau à deux colonnes: celle de gauche, le texte d'Éric Delassus où j'ai simplement remplacé le mot « Dieu » par « la Nature ». Celle de droite est le texte qui suit. Le processus progressif d'appropriation est ainsi rendu palpable, enfin il me semble !


Un philosophe de l’amour
Spinoza est un philosophe de l’amour car toute l’Éthique aboutit à un amour constant & éternel envers la Nature. L’amour passionnel

• a pour objets des choses PÉRISSABLES
• & conduit au flottement de l’esprit.

Donc, il est nécessaire que l’amour se porte

• sur une chose IMPÉRISSABLE,
• c’est-à-dire sur une chose ÉTERNELLE & INFINIE.

Cette chose

• impérissable,
• éternelle
• & infinie

est l’amour intellectuel de la Nature.


Il appartient au 3e genre de connaissance (voir mon autre essai, Typologie des trois genres de connaissance) qui tient

• de la connaissance intuitive des choses singulières
• & de la connaissance de l’union qu’a l’esprit avec la nature tout entière.


Les idées adéquates donnent naissance à des actions de l’esprit, tandis que les idées inadéquates donnent naissance aux passions dont Spinoza s’emploie à établir une liste dans l’appendice de la 3e partie. Ce sont donc ces idées adéquates dont il s’agit d’observer le déploiement en soi.


Joie
Une forme de JOIE qui nait & s’installe a pour cause la compréhension par l’intellect de la véritable nature de la Nature.
Ou bien, autrement dit:
C’est parce que l’intellect comprend de manière intuitive la véritable nature de la Nature qu’une forme de joie pérenne s’installe à cœur d’humain.
Une fois admise la différence entre les deux types d’amour (amour passionnel &
amour intellectuel de la Nature), la définition de l’amour en tant que joie accompagnée de l’idée de sa cause devient plausible. Il s’ensuit que la connaissance de la Nature, qui constitue selon Spinoza le plus haut degré de perfection de l’esprit, est également accompagnée de joie.


Un cercle vertueux
S’entame dès lors d’un cercle vertueux:

• plus je connais la Nature de façon intuitive,
• plus ma puissance d’agir augmente
• & plus ma joie s’installe de façon pérenne au cœur de soi,

car la joie est l’affect « responsable » d’une augmentation de ma puissance d’agir, je deviens dès lors davantage capable encore

  • de connaître la nature,
  • c’est-à-dire que
  • mes capacités d’observation
    • s’aiguisent de mieux en mieux,
    • s’affinent.

Y-a-t-il réciprocité ?
La Nature peut-elle aimer celles & ceux, humains, animaux et végétaux, qui sont affectées de joie par la présence en eux de son IDÉE ? Apparemment, la réponse est NON. (Éth. V, prop. 19) Nul anthropomorphisme donc, en ce qui concerne les humains.

POURTANT,
la Nature se définit par sa plénitude infinie. Elle jouit de façon pleine & entière de son infinie puissance (d’agir).
L’amour intellectuel de l’esprit (humain) envers la Nature est une partie de l’amour infini dont la Nature s’aime elle-même.


Identité
Il y a PAR CONSÉQUENT une identité entre

  • l’amour de la Nature
    • pour les humains,
    • & plus largement, pour le vivant
      • à la fois végétal
      • & animal,
  • & l’amour intellectuel de l’esprit (humain, animal, végétal - ? -) ENVERS la nature.

Ces deux formes d’amour sont identiques.
Donc, oui il y a réciprocité.
La Nature aime le vivant à travers, entre autres, l’amour intellectuel que les humains ressentent pour elle.
Cet amour intellectuel de la Nature présuppose que les humains soient parvenus intuitivement à la connaissance de sa véritable nature.
Il y aurait lieu d’approfondir du côté

• de Vinciane Despret pour les animaux (in Composer avec les moutons & Habiter en oiseau)
• et surtout de Jacques Tassin pour le végétal (Penser comme un arbre & Pour une écologie du sensible).


Conclusion
Cet amour intellectuel présuppose que les humains soient parvenus à la connaissance de sa véritable nature (3e genre de connaissance), ce à quoi j’ai l’intuition de parvenir de proche en proche en observant avec une régularité, une constance bien ancrée qui me fait aimer/admirer/m’émerveiller sur/

• le moindre champignon qui resplendit sur ce lopin & dont j’observe l’apparition, l’épanouissement puis le déclin,
• la moindre pomme qui s’épanouit sur son arbre avant d’être cueillie & de m’alimenter.

D’où le minimalisme adéquat de mon interventionnisme diffus dans ce jardin paresseux. L’amour intellectuel de la Nature définit assez bien la relation que je développe avec elle; cette relation tient

• de l’observation attentive, vigilante presque, des effets – parfois sur plusieurs années – que mes interventions ont sur l’environ de soi au jardin
• & d’un interventionnisme minimaliste qui s’efforce de contribuer & de ne pas détruire pour détruire.

C’est à force d’observer l’effet de ses interventions minimalistes dans la nature qui l’entoure que l’esprit acquiert de mieux en mieux l’intuition qu’il est uni à la nature tout entière.


VOIR AUSSI:

L'ensemble de ces essais représentent à la presque fin de l'an 2020 l'état le plus abouti de la réflexion nullepartienne sur l'Éthique.

 

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