Revenir,
avec la régularité d'un balancier,
à l'équilibre,
en passant par l'adéquat
& son contraire,
fluctuations de l'âme &
ambivalences affectives,
l'égalité, l'équanimité,
cette aimable disposition
de l'âme à l'humeur égale,
établir le grand rééquilibrage
par poids & contrepoids...

D'après les titres de chapitres de l'ouvrage d'A. Suhamy (30 10 18)


Notes sur Ariel Suhamy, Spinoza, philosophe en équilibre, éd. Ellipses, coll. Aimer les philosophes, 2018, 192p.

L’équilibre, ce balancement subtil entre l’un & l’autre, se rattache à cette (probablement) nécessaire ouverture au réel fécond qui est à la fois ceci & cela. Cette souplesse féconde, j’y suis sensible: l’équilibre est ce à quoi je suis quotidiennement le plus continûment attentif par la grâce d'une cochlée perturbée en ses cellules ciliées au temps du Ça !


Lire cet essai philosophique, c'est pénétrer dans l'oeuvre de Spinoza avec bienveillance, éclairée par un sens profond de la mesure interne, comme un diapason donne le la. Le ton est immédiatement juste. L'auteur semble jouir de l'oreille absolue quand il s'agit d'interpréter l'oeuvre de Spinoza, avec nos savoirs du 21e siècle.

L’auteur, en écrivant Spinoza, philosophe en équilibre a cherché « à le penser du dedans, selon sa forme ou structure intime, non explicite… à partir de cette notion de l’équilibre. » Sa tentative, on « peut [la] juger arbitraire » et il la « lance comme un point d’interrogation. 185

Ce philosophe nous fait aussi part dans sa postface d’une autre raison de revenir à Spinoza, qui est fort proche d’une des miennes: « Révolutionnaire, et pourtant hostile à toute révolution.
La vérité est qu’il est inclassable parce que sa manière de penser contourne et esquive les classements. » 186

« Ce qui me plait, [c’est de]… circuler dans les textes, [de] les faire circuler, entre eux & avec d’autres, avec d’autres activités, de suivre les métamorphoses de tel affect, de tel concept, d’un traité à l’autre… pour revivifier la lettre. Et de prendre au sérieux cette activation des affects que nous propose d’accomplir Spinoza. Ces plaisirs-là ne sont pas simples à communiquer. J’ai tenté de cerner une notion (est-ce une notion ? Plutôt ce qu’autrefois Charles Mauron nommait une « métaphore obsédante ») qui figure ce type d’opérations. De là à en faire une notion commune... » 187

Nous avons les mêmes plaisirs, Monsieur !

Revenir, avec la régularité d'un balancier à l'équilibre, en passant par l'adéquat & son contraire, fluctuations de l'âme & ambivalences affectives, l'égalité, l'équanimité pour établir le grand rééquilibrage par poids & contrepoids.


La table des matières sous forme de réseau:


La même Table des matières, telle qu'elle figure dans l'ouvrage (et disponible sur le site de l'éditeur en suivant ce lien). C'est à l'intérieur de ce cadre solide que s'annoteront progressivement ce qui s'en retient ici même après lecture.
Contexte                                                                                                          5
L'âge de l'égalité                                                                                              7

Deux équivalences chères à Spinoza:

  1. Par réalité et perfection, j'entends la même chose. II, déf. 6
  2. L'âme et le corps sont une seule et même chose, sous deux attributs différents.

La thèse de l'ouvrage et de son auteur est: Spinoza pense toujours en mettant ainsi sur le même plan deux dimensions traditionnellement distinctes, comme l'âme & le corps, pour ensuite résoudre la contradiction apparente par le mouvement que l'auteur nommera équilibre. 10 La citation en exergue de l'ouvrage insiste déjà sur le concept de mouvement: « Ce n'est pas le mouvement qu'il faut enseigner mais la mobilité. » (G. Sebok) Je la prends d'ailleurs (mais cela n'a rien à voir avec le contenu de cet ouvrage) at face value, comme disent les anglophones, comme un plaidoyer contre l'exercice systématique du corps au profit du maintien d'une mobilité, fût-elle prolongée. 3

Parcours en pensée........................................................................................11
Chapitre 1. Les intermittences de l'âme .........................................................13

L'enfant comme en équilibre  ........................................................................13

L'équilibre tend toujours vers un déséquilibre. L'équilibre n'est ni l'immobilité, ni le mouvement; l'équilibre est la mobilité.

Le texte en son contexte .............................................................................16

L'auteur repère trois mentions de l'équilibre chez Spinoza, l'avantage pour nous qui le lisons de bénéficier de son expertise & de sa bonne connaissance de l'oeuvre.

  1. Dans la première, Spinoza constate que les enfants sont « comme » en équilibre. (III, 32, scol.)

La fluctuation de l'âne ..................................................................................18

2. & 3. II, 49, scol. où il reprend l'âne de Buridan, « qui devient une ânesse chez Spinoza, on ne sait pas pourquoi. Cette bête, on la suppose en équilibre entre l'avoine et l'eau, et de surcroit ayant exactement aussi faim que soif: l'équilibre extérieur se double, pour la perfection de l'exemple, d'un équilibre intérieur entre deux appétits. »

Le déplacement de l'égalité ..........................................................................22
La fluctuation de l'âme .................................................................................24

Chapitre 2. Deux formes d'équilibres .............................................................29

Le déséquilibre superstitieux ........................................................................29
Le commencement de la philosophie ............................................................33

Chapitre 3. L'adéquation ................................................................................39

L'adéquation des idées ................................................................................39
Les deux formes de la fiction .......................................................................45
Le modèle de l'équilibre dans les
Pensées métaphysiques .............................50

Chapitre 4. L'amour bien compris...................................................................53

L'inadéquat, ou la chute ..............................................................................53
Penser/peser .............................................................................................55
L'amour adéquat .........................................................................................57
Nous sommes une partie de Dieu ................................................................60

Une partie de la nature donc*. Les idées « fausses [sont] de leur nature ... des FICTIONS◊ »


* Voir le paragraphe La nature, Sive dans cet essai consacré au Café Spinoza par M. Juffé.


L'enfant imite tout. « À présent l'adulte désire que tous l'imitent. » AS, 59 Mais ce désir se transforme aisément en crainte de n'être imité par personne. « C'est le sommet de la fluctuation◊ » Du déséquilibre donc. Pour en sortir, il y a lieu de « concevoir un objet qui soit tel que l'effort pour le communiquer ne se transforme pas en rivalité mimétique. » L'exemple pris est celui de l'amour de la nature: cet amour ne peut d'une part « se changer en haine » Eth IV, 18 corollaire & d'autre part il est « d'autant plus alimenté que nous imaginons plus d'humains liés par cet amour » de la nature◊ Eth V, 20

Ce que nous imaginons ne peut « en aucun cas devenir une crainte puisque la connaissance » de la nature & l'amour de celle-ci « n'a rien de monopolistique: chacun·e peut en jouir également Eth IV, 36 & nous pouvons alors pleinement tirer profit de cette IMITATION DU DÉSIR ... dont l'enfant offre un premier exemple◊ » 60

La nature pose un acte conceptuel & productif de compréhension des choses◊ Le nôtre « n'est pas différent », est donc semblable◊ « Il suffit donc de remonter à l'idée qui contient toutes les idées, dont notre entendement est une partie, pour concevoir ce qu'il y a d'adéquat dans toutes nos idées, même les plus

  • tronquées &
  • mutilées◊ » 62

Pour concevoir cela, « le plus

  • sûr & le plus
  • simple

sera de commencer par produire en nous l'idée qui contient en germes toutes les idées◊ » car nous sommes une partie de cet « entendement infini »

Les idées de cet entendement infini « nous constituent », font partie de nous, nous en sommes constitués◊ Nous appartenons à un être pensant infini: il convient de « nettoyer l'esprit d'un certain nombre de préjugés qui empêchent l'esprit de concevoir sa puissance de penser

  • comme une puissance en expansion &
  • comme une partie d'un être pensant infini

 Nous pouvons rendre plus adéquates les idées qui nous traversent l'esprit » 62

La nature est « la puissance causale à l'oeuvre en toute chose◊ » 63


Sur le couple indéfini/infini, m'est venue, par ailleurs, cette réflexion, détachée de la lecture & antérieure à celle-ci; comme souvent, un tableau résulte de la réflexion:

L'indéfini L'infini
≠ le défini ≠ le fini, la finitude
la définition absente La finition égarée
L'imprévisible futur
ne crée pas la surprise;
il ne rend juste pas la
prévision accessible◊
Car prévoir le futur
est incongru
L'immense de l'indécidé
vers lequel le chemin
se dirige pourtant, attentif
à ses courbes, ses
ruptures, ses conduites◊

Le mauvais équilibre : le préjugé finaliste ......................................................64

Chapitre 5. Convenir et compenser ...............................................................73

Adéquation et convenance ...........................................................................73
Équilibre et convenance dans le
TTP..............................................................80
Les modèles et les comportements ..............................................................83

Chapitre 6. Le conflit constitutif ......................................................................91

Justice et charité, of fense et amitié, chyle et lymphe… ..................................91
L'égalité contre le parallélisme ......................................................................96
Les ambivalences affectives .........................................................................98

Chapitre 7. L'équanimité ................................................................................105

La conscience et l'automatisme ...................................................................105

Pour Spinoza, la conscience est un effet, pas un point de départ. Le corps & la conscience sont une seule et même chose.
Le corps est l'objet de l'idée du corps. (Ah, oui cette phrase-ci, je la note parce qu'il me faut encore la machouiller pour en intégrer toute la richesse...) On connaît mieux l'esprit qu'on ne connaît le corps.

Le corps sait faire tout seul. Il y a un art d'explorer l'inconscient qui s'appuie sur le corps. Il s'agit de prendre conscience

  • de ce que nous faisons inconsciemment,
  • de coloniser le territoire de l'inconscient (la pensée) mais sans le domestiquer.

Prendre appui sur le corps, lui faire confiance, savoir qu'il obéit à ses propres lois, libère l'esprit des contraintes imaginaires de la morale & de la responsabilité.

Nous sommes le siège de deux automates: « Au corps automate "qui pourrait construire seul un temple" correspond l'esprit automate, l'automate spirituel, qui construit ses idées avec d'autres idées. »

En reliant cela aux trois genres de connaissance,

  1. l'image de la chute prédomine dans le premier genre de connaissance: l'esprit comme le corps sont agis de l'extérieur par des déterminations dont les causes leur échappent. [Ces déterminations du corps & de l'esprit, ce déterminisme donc, sont sans causes comprises parce qu'incompréhensibles, inaccessibles à la connaissance par ouï-dire. Ces déterminations sont sans fondement, elles ressortissent de la confusion des sens. Elles sont passives et répétitives;  elles sont sources de toutes les désillusions.]
  2. Les aptitudes du corps se développent dans le deuxième genre de connaissance de telle sorte qu'il « puisse faire des choses qui s'expliquent par sa seule nature. » Le corps est apte à faire des choses qui s'expliquent par la seule nature du corps, donc sans cause extérieure. Reconnaître au corps cette aptitude marque le deuxième genre de connaissance qui procède par l’enchainement déductif &  emploie des notions communes. Elle définit la science intuitive. Le savoir ici est certes fondé, nécessaire & universel mais uniquement conceptuel & abstrait.

A. Suhamy en poursuivant son raisonnement abandonne les trois genres de connaissance. La transition entre le deuxième et le troisième n'y est pas explicite. Je réfléchis sur ces trois pages plus avant et je vous reviens...

L'effort et la conscience .............................................................................109
Aequo animo .............................................................................................111

La consonance (114) est-elle proche de la résonance (116) ? Elles semblent convenir ensemble. A. Suhamy commente la lettre 30 de B. Spinoza: « vivre pour la vérité en laissant les autres à leur bien mortifère [provoqué par les troubles du temps], ce qui implique un autre type de convenance entre soi et le monde. » 116

« Comprendre ce qui contrarie la raison permet presque d'effacer la contradiction entre elle & l'ordre global de la nature qui ne tend pas vers elle, » qui lui est indifférente en quelque sorte.

Chapitre 8. Le grand rééquilibrage ................................................................117

Cette autre partie de l'Éthique  ....................................................................117

Par autre partie, Spinoza entend la cinquième partie, comme si elle n'en comportait que deux à ses yeux, commente A. Suhamy. Le premier axiome est l'axiome de l'équilibre: « Si dans le même sujet deux actions contraires sont excitées, un changement devra nécessairement avoir lieu dans l’une et l’autre, ou dans l’une des deux seulement, jusqu’à ce qu’elles cessent d’être contraires. » Traduction de R. Misrahi, sur le site de J. Gautier, dont A. Suhamy s'écarte quelque peu pour rendre cet axiome plus clair encore au moyen des passages surlignés de jaune.

L'amour de Dieu .........................................................................................119

La raison se nourrit de la force même des passions qui, « en apprenant à connaître [les] causes [de ces passions] les transforme partiellement en idées adéquates. » User des affects de manière adéquate consiste à ne pas « s'enorgueillir de cette connaissance », à ne pas « se croire supérieur au reste de l'humanité du fait même de cette connaissance. » La seule connaissance adéquate est celle qui connaît par les causes, & « la cause de toutes les causes est [la nature]. » La nature n'aime personne, et en particulier « elle n'aime en particulier personne plus que les autres. » 119

Spinoza nous propose de « saisir ce qu'il y a d'éternel dans cette joie, ce qu'il appelle la béatitude & qui est la joie de la perfection même. Cette joie [consiste à] comprendre les choses exactement comme [la nature] les comprend et les produit, » non plus « par la raison qui ne connait que les propriétés universelles & communes des choses », mais par la connaissance intuitive ou l'intuition qui permet de « connaître les choses dans leur singularité. »

Chapitre 9. Poids et contrepoids en politique ................................................125

La politique : stabilité dynamique contre contractualisme statique .................. 125
L'égalité dans le
Traité politique ................................................................... 128
La multitude, la démocratie, les femmes et l'histoire ...................................... 132
De la délibération à la liberté ........................................................................ 136

Textes.............................................................................................................139

Lexique de l’Équilibre.....................................................................................173

Postface.........................................................................................................185
Éléments de bibliographie
.............................................................................189


Le réel est parfait, selon Spinoza: « Par réalité & perfection, j’entends la même chose. » Eth II déf. 6 p, 8

La plénitude du réel existant est identique à la perfection. Elle fonde d’une part l’ontologie spinoziste mais elle fonde également la nature des choses finies ou infinies de ce monde. L’identité Réalité-Perfection fonde donc également l’éthique spinoziste. IV, préf.

Dans ses notes sur l’Éthique, R. Misrahi précise (p 132, n 9): En I, 33 scol. 2 Spinoza « avait déjà établi la perfection de Dieu, c’est-à-dire du monde réel & de la nature. »

Ce scolie fait montre d’une maitrise argumentative qui absout toutes les réfutations, les dissout même dans l’absurdité, plusieurs fois évoquée:
propositio 33 Traduction R. Misrahi saisie sur le site de Julien Gautier: Les choses n'ont pu être produites par Dieu selon aucune autre modalité ni selon aucun autre ordre que l'ordre et la modalité selon lesquels elles furent produites.
1, prop 33, sc 2 -
Il suit clairement de tout cela que les choses ont été produites par Dieu selon la suprême perfection, puisqu'elles suivent avec nécessité d'une nature donnée qui est la plus parfaite; et cela ne suppose en Dieu aucune  imperfection, puisque c'est sa perfection même qui nous a conduits à cette affirmation. Il résulterait même de l'affirmation contraire (comme je l'ai montré à l'instant) que Dieu ne serait pas la suprême perfection, puisque si les choses avaient été produites autrement, il faudrait attribuer à Dieu une autre nature, différente de celle que nous sommes conduits à lui attribuer par la considération de l'Être le plus parfait. Mais je ne doute pas que de nombreux lecteurs ne  condamnent cette doctrine comme absurde et ne veuillent pas même l'examiner, et cela uniquement parce qu'ils ont l'habitude d'attribuer à Dieu une liberté toute différente de celle que nous avons enseignée (Définition 7), à savoir une  volonté absolue. Mais je ne doute pas non plus que, s'ils voulaient bien considérer la question de près, et examiner correctement la suite de nos démonstrations, ils ne finissent par rejeter entièrement cette liberté qu'ils attribuaient à  Dieu, voyant là non seulement une doctrine bien légère, mais encore un sérieux obstacle à la science. Et il  sera inutile de répéter ici ce qui a été dit au Scolie de la Proposition 17. Pourtant, à leur intention, je vais encore montrer que,  même en accordant que la volonté appartienne à l'essence de Dieu, il n'en résulte pas moins de sa perfection que les choses n'ont pu être créées par Dieu selon une autre modalité ni selon un autre ordre. Il sera facile de le montrer  si l'on considère d'abord cela qu'ils accordent eux-mêmes, à savoir qu'il dépend de la seule décision et volonté de Dieu que chaque chose soit ce qu'elle est. Car autrement Dieu ne serait pas la cause de toutes choses. Considérons   ensuite le fait que tous les décrets de Dieu furent établis par Dieu même de toute  éternité. Car autrement on pourrait lui imputer imperfection et inconstance. Mais comme il n'y a dans l'éternité ni quand, ni avant, ni après, il suit de la seule perfection de Dieu que Dieu ne peut jamais ni n'a jamais pu décider autrement, ou, en d'autres termes, Dieu n'a pas existé avant ses décrets, et ne peut exister sans eux. Mais nos adversaires objectent que, en supposant que Dieu ait fait la nature autrement et que de toute éternité il ait décrété d'autres choses quant à la nature et quant à son ordre, il ne s'ensuivrait aucune imperfection en Dieu. Mais, par cette affirmation, ils accordent en même temps que Dieu peut changer ses décrets. Mais si Dieu avait décrété, quant à la nature et quant à son ordre, autrement qu'il n'a décrété, c'est-à-dire autrement  voulu et pensé sur la nature, alors nécessairement il aurait eu un autre entendement que celui qu'il possède et une autre volonté que celle qu'il a. Et si l'on peut attribuer à Dieu un autre entendement et une autre volonté sans rien changer de son essence et de sa perfection, pour quelle raison ne pourrait-il maintenant changer ses décrets sur les choses créées et conserver cependant une égale perfection ? En effet, de quelque manière qu'on les conçoive, son entendement et sa volonté concernant les choses créées et leur ordre ont toujours la  même relation à son essence et à sa perfection. En outre, tous les philosophes, à ma connaissance, accordent qu'il n'y a pas en Dieu d'entendement en puissance mais seulement en acte; mais comme ils ne distinguent pas son  entendement et sa volonté de son essence, ce que tous accordent également, il suit aussi de là que, si Dieu avait eu un autre entendement en acte et une autre volonté, son essence eût également été autre, nécessairement. Et par  suite (comme je l'ai déduit au début) si les choses avaient été produites par Dieu autrement qu'elles ne le sont en fait, l'entendement et la volonté de Dieu, c'est-à-dire (comme on l'accorde) son essence, aurait dû être autre, ce qui est  absurde. Ainsi donc, puisque les choses n'ont pu être produites par Dieu selon aucune autre modalité ni selon aucun autre ordre, et puisque cela est vrai par la perfection suprême de Dieu, il n'y a pas de raison valable qui puisse nous  persuader de croire que Dieu n'a pas voulu créer toutes les choses qui sont dans son entendement selon la  même perfection par laquelle il les conçoit. On objectera qu'il n'y a dans les choses aucune perfection ni imperfection; ce qui est en elles et par quoi elles sont parfaites ou imparfaites, par quoi on les dit bonnes ou mauvaises, ne  dépend que de la volonté de Dieu; et par conséquent, si Dieu l'avait voulu, il aurait pu faire que ce qui est actuellement une perfection soit l'imperfection suprême et inversement. En vérité, qu'est-ce donc là sinon affirmer ouvertement que Dieu, qui comprend nécessairement ce qu'il veut, peut faire par sa volonté que ce qu'il comprend, il le comprenne  autrement; ce qui (comme je viens de le montrer) est une grande absurdité. C'est pourquoi je puis retourner l'argument contre mes adversaires de la façon suivante. Tout dépend de la puissance de Dieu. Aussi, pour que les choses puissent être différentes, la volonté de Dieu aurait dû également être différente; or on nie que la volonté de Dieu puisse être différente (comme nous venons de le prouver de la façon la plus évidente, à partir de la perfection de Dieu). Par
conséquent
, les choses non plus ne peuvent être différentes. Je reconnais que cette opinion qui soumet tout à une certaine volonté indifférente de Dieu et fait tout dépendre de son bon plaisir s'éloigne moins de la vérité que la doctrine de ceux qui pensent que Dieu agit en toutes choses selon le principe du bien. Car ceux-ci semblent poser en dehors de Dieu quelque chose qui ne dépend pas de Dieu et à quoi il se réfère dans son action comme à un modèle, ou qu'il vise comme un but donné. On ne fait rien d'autre par là que soumettre Dieu à un destin, ce qui est la pire absurdité qu'on puisse affirmer de Dieu dont nous avons montré qu'il est la première et unique cause libre aussi bien de l'essence de toutes choses que de leur existence. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de perdre son temps à réfuter une telle absurdité.
»


L’équilibre présuppose l’aller-retour.
La notion d’équilibre qu’ A. Suhamy triture pour nous avec grand art inclut cet aller-retour, une équivalence nourrie par la constat inlassablement posé de la perfection. L’équilibre a la plasticité du réel.


L’ouvrage contient, à la demande de l'éditeur, un lexique de l’équilibre & offre une lecture du Spinoza « matérialiste certes, mais idéaliste aussi bien – les deux à la fois ! » Un sous-ensemble de ce lexique consiste en mots-outils de l’équilibre chez Spinoza: ce repérage transversal attire ainsi notre attention sur les expressions linguistiques de l’équilibre employées par Spinoza.

Latin Français Français Latin
AEQUE QUAM AUTANT… QUE AUTANT… QUE AEQUE QUAM
TAM … QUAM
EO … QUO PLUS … PLUS... AUTREMENT DIT HOC EST, SEU,
SIVE
HOC EST AUTREMENT DIT COMME SI QUASI, VELUTI
QUASI COMME SI EN MÊME TEMPS
QUE
SIMUL
QUATENUS EN TANT QUE EN TANT QUE QUATENUS
SEU AUTREMENT DIT PLUS … PLUS... EO … QUO
SIMUL EN MÊME TEMPS
QUE
SIVE AUTREMENT DIT
TAM … QUAM
AUTANT… QUE
VELUTI COMME SI

 

Dommage toutefois que l'éditeur &/ou l'auteur n'aient pas cru bon de classer l'ensemble des termes du lexique par ordre alphabétique !


Équilibre & mésologie
Lire A. Suhamy, c’est tendre davantage encore vers l’hypothèse formulée par ailleurs que la mésologie s’héberge bien davantage sous l’ombrelle spinoziste qu’elle ne trouve refuge sous l’ombrage tumultueux et dépassé du platonisme
rapatrié d’Heideggerisme mal attribué. L’équilibre est peut-être une forme aboutie de la trajection en mésologie.
Je retiens de sa
Postface à la fois que l’auteur est à suivre d’une part, mais aussi surtout d’autre part que ces « deux à la fois » s’identifie au tiers inclus, cher au tétralemme tel qu’il s’expose en différentes versions désormais dans l’oeuvrage d’A. Berque.
Ces différentes versions sont susceptibles de perdre ses lecteurs & ses lectrices car dans plusieurs ouvrages qu’il a écrits le même concept n’apparait pas toujours sous le même terme ! C’est le cas du tiers inclus. L’inclusion que ce syntagme propulse est davantage lisible que d’autres, ultérieures. Claude Plouviet la maintient d’ailleurs comme titre de son site personnel.


A. Suhamy est un auteur suivi sur Nulle Part & continuera de l'être. Voici les liens vers d'autres essais qui consacrent d'autres ouvrages de lui:


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