MARCEL CONCHE, nouvelles pensées de métaphysique et de morale, encre marine, 2016.
Dès la préface, la réflexion induite emporte la réflexion sur le chemin du pourquoi se rejettent tant de romans dans les choix de lectures portés par nulle part.
Tous ne sont pas rejetés… ceux qui proposent un système naturel (et non un système théiste, dans le cas du roman, celui du MOI de l'auteur-e-) reposent sur pareil système, sont préférés en ce lieu numérique: ils contribuent par chaque volume qui s’ajoute à mieux définir, à en étendre la nature, à la préciser.
Le premier d'entre tous: Les cités obscures. Ces romans-graphiques s’insèrent dans un système qui s’éclaire à chaque fois un peu plus de l’intérieur.
L’œuvre protéiforme de J. Abeille, avec les Contrées, évoque & contient pareille ampleur d’ombres lumineuses et de lumières secrètes.
Les auteurs qui s’acharnent à se croire capables à réinventer un nouvel univers à chaque nouveau roman accrochent moins. C’est ainsi, il en faut pour tous les goûts. J’imagine que Balzac, Zola, Hugo procèdent pareillement par système naturel.
Le feuilleton du XIXe le permettait.
L’ampleur qu’un système naturel offre en se construisant sous nos yeux fascine par la cohérence qu’elle induit.
Il est aussi des ouvrages-monde, tels Tristram Shandy (L. Sterne), Brave new world (A. Huxley), 1984 (G. Orwell). Leurs auteurs ont ramassé leur système en un seul volume certes, mais on en parle encore.
L’unité d’une plume si bourgeoise pourtant d’un H. James emporte aussi par la grâce d’une langue sublime empreinte d’une extrême urbanité.
La plume enragée de J. Sternberg a longtemps retenu l’attention.
C. Bobin (Souveraineté du vide), L. Lê (Les évangiles du crime, Personne, Voix) font monde autour d’une écriture qui tente de retisser la déchirure intérieure, sans toujours y parvenir. Julia Kerninon procède aussi par tissage intériorisé, plus apaisé. Saura-t-elle faire ébauche de système naturel dans son 3e roman ?
En quelque sorte, ces auteur-e-s, ces auteures nous invitent à habiter leur système naturel le temps du lire. En tant qu’auteur-e-s, ils sont sortis d’eux-mêmes pour partir à notre rencontre sans porter identification, autojustification.
Trop de romans de rentrées (celle de septembre, de janvier, de l’été etc. la mercatique en livrée est infinie…) ne font nul monde, nul univers. Ils sont juste des savonnettes sur lesquelles le MOI cherche à emporter l’adhésion par identification et emplit au passage quelques poches, dont celles de l’auteur-e n’est pas la plus fournie; ils ne sont que catalogues du moi exacerbé, désincarné, qui se croit suffisamment universel pour avoir valeur d’exemple. Ils n’en sont que suffisants, trop souvent.
Pas de ce pain-là. Cela n’équivaut pas à rejet, juste à ceci: ce soi-ci passe son chemin.
Les plumes préférées sont poétiques et dépouillées. Elles se sont dépouillées en tendant vers l’universel: Lautréamont, R. Char, F. Jacqmin (Nuits, Prologue au silence, Poésies métaphysiques en terres wallonnes, Stan aka F. Jacqmin), W. Whitman; P. Nougé (L'amateur d'aubes), L. Scutenaire (S comme Scutenaire in J. Sternberg), R. Bodart (Demeure, Un déférent vertige, Clartés) E. Verhaeren (Joies claires, La multiple splendeur, Clartés) par certains aspects.
Chacune de ces plumes introduit à son univers propre qui incarcère le lecteur, la lectrice dans ses propres contingences; ses fulgurances sont porteuses de joies esthétiques, de forces bienfaitrices, d’enthousiasmes fébriles qui croisent peut-être le chemin personnel du lecteur, de la lectrice.